Deux solitudes se rencontrent de façon improbable. La petite musique de Sophie Letourneur caresse nos sens, à la façon des grands cinéastes asiatiques.
Comportant désormais sept films (tous formats confondus) en dix ans, l’œuvre de Sophie Letourneur apparaît comme l’une des plus expérimentales et passionnantes qui soient dans le cinéma français contemporain. S’ils racontent toujours peu ou prou la même histoire (des jeunes filles bruyantes à la recherche de la bonne tonalité, de la bonne vibration), ses films ont systématiquement remis en jeu les acquis des précédents, préférant à la cristallisationdu style la recherche d’une émotion cristalline – c’est-à-dire d’une régularité, même éphémère, au milieu du chaos.
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Dans ce nouveau long métrage, cette quête prend la forme d’une étrange histoire d’amour entre l’héroïne letourneurienne type (brouillonne, un peu sale et vaguement grossière, adorable à force de vouloir être antipathique, interprétée par Lolita Chammah), et un ermite à postiche (Benjamin Biolay, grand burlesque paresseux) vivant à l’orée d’un château abandonné. Gaby Baby Doll sera ainsi l’histoire de deux solitudes, l’une subie, l’autre volontaire, qui doivent apprendre à se synchroniser, jouer la même note.
Tout est toujours question de musicalité chez Letourneur. Avec son système répétitif, son resserrement sur quelques motifs clés (la nourriture, la nature), sa douceur, qu’accentue la musique au piano de Jeong Yong-jin, compositeur attitré d’Hong Sangsoo, et son appel à l’imaginaire pour combler les trous, Gaby Baby Doll serait idéalement une comptine, ou une berceuse. On se prend même à penser à Hayao Miyazaki et ses films les plus simples, les plus enfantins : Mon voisin Totoro ou Ponyo sur la falaise.
L’aspect habituellement revêche, “à prendre ou à laisser”, des films de Sophie Letourneur demeure, mais compose ici avec une nouvelle quiétude, qui laisse entrevoir un avenir radieux pour la plus asiatique des jeunes cinéastes françaises.
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