Des rappeurs de la région de Clermont-Ferrand ont enregistré et mis en ligne un titre de rap en hommage à Wissam El-Yamni, décédé en janvier à la suite d’une interpellation « musclée ».
Mardi, le collectif « Pour une citoyenneté en marche » met en ligne une chanson (en écoute ci-dessous) en hommage à Wissam El-Yamni, décédé le 9 janvier dernier à Clermont-Ferrand. Selon les forces de l’ordre, dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 2012, ce chauffeur routier de trente ans, décrit comme très excité, s’en est pris aux policiers, lançant des projectiles sur leur véhicule. Il est aussitôt plaqué au sol et menotté. Selon deux femmes qui ont assisté à la scène, il aurait été roué de coups, avant d’être transféré au commissariat de police. Quelques dizaines de minutes plus tard, les médecins du Samu constatent que Wissam El-Yamni est dans le coma à la suite d’un arrêt cardiaque. Il décède neuf jours plus tard.
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Il existe presque autant de versions de l’affaire que de protagonistes. Pour son frère Farid, le décès serait dû au « mauvais geste d’un policier », une pression sur la carotide qui aurait déclenché l’arrêt cardiaque. Depuis le drame, la famille de la victime continue de dénoncer les violences policières qui en seraient à l’origine. Elle a porté plainte, et demandé qu’une contre-autopsie soit pratiquée, jugeant la première bâclée.
« Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas normales, et la justice met du temps à se faire, se désole Farid El-Yamni, contacté par les Inrocks. Aujourd’hui, le corps de mon frère est toujours à la morgue. »
« Le texte ne devait pas interférer avec la procédure judiciaire »
Après la marche blanche organisée en l’honneur de la victime le 14 janvier, plusieurs rappeurs se proposent d’écrire une chanson afin d’exprimer leur soutien à la famille. « Adolescent, il avait un groupe de rap, raconte son frère. Il avait même participé au festival de Bourges. Dès qu’il avait un micro, il rappait. » La famille El-Yamni a approuvé la mise en ligne du titre écrit pour Wissam, avec l’objectif de « mettre une pression » sur la justice. « Et pour qu’on n’oublie pas qu’il a été tué injustement », ajoute Farid.
Douze artistes, en majorité de la région, se mobilisent.
« Nous leur avons donné une ligne directrice, explique Cherif Bouzid, à la tête du collectif Pour une citoyenneté en marche. Il fallait que la chanson soit écrite dans le respect de la famille et de l’esprit de la marche, qui était très digne. C’était important aussi de dénoncer les choses, mais le texte ne devait pas interférer avec la procédure judiciaire. »
Chaque artiste compose un texte, et dans la foulée le groupe de rap Leader Vocal met l’ensemble en musique. Courant janvier, le titre est enregistré.
Pourquoi avoir attendu presque quatre mois pour le sortir ? « Au départ, on voulait attendre que Wissam soit enterré, raconte Cherif Bouzid. Et que la famille soit en état de mener le combat, de poursuivre les démarches judiciaires. » Aujourd’hui, Wissam n’a toujours pas quitté la morgue, et sa famille souhaite désormais multiplier les actions. Dernier projet en date : produire des morceaux de rap enregistrés par Wissam lui-même. « On en parle avec la famille, détaille Chérif Bouzid. Mais il nous faut d’abord obtenir les droits auprès des artistes qui ont enregistré ces titres avec lui. »
Pour le comité Justice et vérité pour Wissam, comme pour le collectif de soutien Pour une citoyenneté en marche, il s’agit maintenant d’interpeller la justice, de mobiliser les gens, et de les sensibiliser à la question des violences policières. Ce samedi à Clermont-Ferrand, le comité organise un forum sur les rapports entre citoyens et forces de l’ordre.
Article mis à jour le 03 mai 2012 à 12h40 : ajout d’une précision sur la famille de Wissam El-Yamni.
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