En Mai 2011, le documentariste plongeait sa caméra au cœur de la révolte du peuple espagnol. Le printemps madrilène n’aura pas lieu.
Le cinéma expérimental (même s’il n’a ici rien de complexe ou d’abscons) n’est-il pas le plus à même de rendre compte d’expérimentations politiques ?
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Après l’extraordinaire Qu’ils reposent en révolte (2010) et le magnifique Les Eclats (prix du meilleur documentaire au Festival du film de Turin en 2011), le cinéaste (quel sens du cadre !) Sylvain George va voir en Espagne s’il y est, seul avec sa caméra. Et va filmer de l’intérieur ce qu’aucune télévision du monde, pas même espagnole, ne semble vouloir montrer, trop extérieure, indifférente, hostile, sourde à l’effervescence d’idées qui se déroule devant ses yeux.
Nous sommes en mai 2011, en pleine agitation politique “grâce” à la crise économique et à la politique de rigueur que veut imposer le gouvernement de droite au peuple espagnol. Les rassemblements, de jeunes, bien sûr, mais aussi de gens d’âge mûr et de vieillards, se multiplient à la Puerta del Sol, à Madrid.
Les “indignés” parlent, discutent, réfléchissent, s’expriment sans fard, chantent, dansent même, s’applaudissent ou se contredisent, insensibles aux intempéries, aux provocations policières, seulement concentrés sur les idées qui les animent.
En noir et blanc, Sylvain George les filme longuement, patiemment : ils sont beaux. Il laisse également un jeune Africain sans papiers francophone expliquer en contrepoint comment il a réussi à traverser la Méditerranée mais se trouve bloqué en Espagne. Les Espagnols “énervés” campent là et disent qu’ils ne veulent plus du capitalisme. Rédigent des communiqués, réclament la fin de la monarchie dans la nuit, l’abolition de privilèges établis sous la dictature de Franco.
Pour seule réponse, l’Etat leur envoie la police. Des lois iniques sont instaurées, qui condamnent à deux ans de prison ceux qui n’ont fait qu’exprimer leur opinion politique et renverser trois poubelles sur les trottoirs de Madrid. En Europe, en 2011, oui. Les CRS, comme tous les CRS du monde, vont tabasser des gens à moitié nus pour qu’ils se dispersent.
Les peuples européens sont toujours prêts à dénoncer les exactions policières quand elles se déroulent en Extrême-Orient et à verser une larme sur les gentils Chinois qui n’ont que des parapluies pour se protéger (à Hong Kong il y a peu). Mais, comme ils sont pour la plupart de droite, ils n’ont que mépris pour ceux qui, pourtant pacifistes, se font tabasser à tour de bras par les CRS, sous le seul prétexte qu’ils tentent d’imaginer une autre politique pour notre continent.
Nous, Européens, ne vivons plus sous des dictatures, bien sûr. Mais seuls des artistes solitaires comme Sylvain George peuvent nous montrer ce qui se passe réellement. La télévision, a priori inventée pour ça, a depuis longtemps abdiqué tout désir de montrer l’actualité, la vraie, de l’intérieur.
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