Boosté par un arrière-plan documentaire, un film à suspense sur le milieu hospitalier nourri de l’expérience du réalisateur.
Sa grande précision documentaire n’est pas la seule réussite d’Hippocrate, mais c’est la plus évidente, la plus immédiate. Avant de réaliser des films, Thomas Lilti soignait des patients. Il lui arrive encore, d’ailleurs, d’être
à leur chevet, entre deux projets cinématographiques – Les Yeux bandés, son précédent et premier long métrage en 2007, ou Télé Gaucho de Michel Leclerc dont il a coécrit en 2012 le scénario. Il fait donc plus que savoir ce dont il parle : il le pratique.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Se déroulant entièrement dans un hôpital, Hippocrate suit la trajectoire quelque peu chaotique d’un interne à peine débarqué aux urgences (Vincent Lacoste, qui trouve ici matière à affiner son éternel personnage de loser lunaire inventé chez Riad Sattouf) dans le service de son père. Bleu au milieu des blouses blanches, il s’avère piètre praticien et supporte mal la concurrence d’un autre nouveau venu, d’origine algérienne (ça aura son importance), aussi perfectionniste qu’hautain, et interprété par le toujours intense Reda Kateb (quelque part entre l’exigeant Dr. Benton d’Urgences et le psychorigide Dr. House, inévitables boussoles du genre).
Thomas Lilti s’est évidemment nourri de son expérience (comme généraliste), d’anecdotes personnelles ou de témoignages au plus près du terrain. Sont ainsi passées en revue, avec une justesse qu’on ne saurait reprocher au cinéaste, toutes les tares de l’institution hospitalière française, de la vétusté du matériel à l’épuisement des troupes, en passant par le recours à une main-d’œuvre étrangère peu considérée (problème peu connu mais révélateur d’un paternalisme latent).
Aussi vertueuses soient-elles, précision et justesse n’ont cependant jamais suffi à définir un bon film, et la réussite de celui-ci réside ailleurs. Il y a dans le cinéma social-sociétal français (exemplairement Polisse) une tendance à se complaire dans la petite leçon de choses, à faire mousser la moraline dans le bain du sacro-saint Réel. Or, si Hippocrate finit par s’adonner à ce penchant à la toute fin (scène “coup de gueule” dispensable), il l’évite allègrement le reste du temps.
Par une mise en scène fonctionnelle et inspirée, et grâce à un casting excellent (notamment les personnages secondaires), Lilti offre le portrait ambivalent d’un univers aseptisé seulement en surface, où romanesque et comique ne cessent de poindre entre les coutures du film-dossier. Sans doute pas le choc formel de l’année, mais un modèle de cinéma populaire qu’il convient de saluer.
{"type":"Banniere-Basse"}