Les mystérieux Suédois psychédéliques opèrent un virage vers le folk tribal. Stupéfiant.
Au nord-ouest de la Suède, dans le petit village de Korpilombolo, il se pratique depuis le début de la décennie d’étranges rituels qui nous font fantasmer cet endroit comme le théâtre d’un remake de The Wicker Man à la mode scandinave. Au sein de cette communauté repliée et farouche s’agite un groupe d’hommes et de femmes grimés en sorciers vaudous, praticiens d’un néopaganisme musical fascinant sous le nom de Goat, dont le psychédélisme globalisé et un peu effrayant a déjà frappé par deux fois.
Après les inusables World Music (2012) et Commune (2014), on attendait donc ce nouveau Requiem comme le prolongement d’une formule secrète à base de philtres rock lysergiques, d’improvisations martiales à la Can et d’ingrédients instrumentaux venus d’Afrique, d’Inde et d’Orient. C’est partiellement le cas, puisque Goat a choisi cette fois de creuser encore plus profond ses racines folk, dont certaines sont si tentaculaires qu’elles traversent la Terre de part en part.
Quasiment dépourvu d’électricité, ce troisième album en est aussi de frontières, radicalisant encore un peu plus le propos d’un groupe qui n’obéit en rien aux règles communes. La fantaisie de flûtiaux qui accompagne les voix atonales de Union of Sun and Moon donne le ton : Requiem sera une messe joyeuse de la lumière et des ténèbres, un tableau de Jérôme Bosch fabriqué avec du raphia, une orgie pastorale de vikings et de louves au son des tambours et des chants d’oiseaux. L’hypnose garantie de Temple Rhythms doit ainsi autant à Moondog qu’à n’importe quel orchestre de kermesse du Kurdistan, quand les voix exaltées de Trouble in the Streets pourraient appartenir à un girl-band canaille de Bamako.
La légende de Goat prétend que des musiciens de toutes obédiences officient sous ce nom depuis des siècles et que l’émanation actuelle n’est que le produit d’une vaste tradition hybride. Le groupe aime le pipeau, il en colle partout, dans sa biographie comme sur ses disques. Il n’en reste pas moins que cette foisonnante célébration naturaliste, frappée par endroits par la foudre et souvent par la grâce, demeure toujours aussi merveilleusement attachante.
concert le 14 octobre à Paris (Cabaret Sauvage)