Beau premier film, empli d’un silence éloquent. Sur le sable, un cinéaste est né.
A quoi reconnaît-on un bon cinéaste qui réalise son premier film ? Peut-être au fait qu’il filme aussi bien les personnages secondaires que les principaux. La preuve avec Amalric dans le rôle d’un écrivain-personnage houellebecquien, qui n’a qu’une scène, excellente. La Dune est un polar simenonien sans meurtre (autre que symbolique), une enquête filiale dans laquelle un quadra israélien, Hanoch, abandonné par son père quand
il avait 2 ans, vient rechercher son géniteur en France, de Paris à la côte landaise.
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Bouleversé par la rencontre à sens unique avec ce père qui ne le reconnaît pas (dans tous les sens du terme), Hanoch en devient aphasique. Ce mutisme réel et symbolique est par ailleurs un choix de mise en scène fondamental dans un film dont la trame centrale procède essentiellement par non-dits, silences, regards et gestes suggestifs, informations différées, points de suspension à compléter par le spectateur.
Yossi Aviram se montre prodigue en bonnes idées de cinéma : les dunes du désert israélien qui font écho à celles du rivage aquitain, le père qui est enquêteur professionnel alors que c’est le fils qui est en quête, le jeu d’échecs ou une boîte d’allumettes qui font avancer le récit comme dans les films noirs américains… Même le choix (teinté d’autobiographie familiale) de faire de Niels Arestrup et Guy Marchand un couple de vieux amants
n’est pas si banal si on considère que la loi du père et une certaine idée de la virilité sont centraux dans la psyché israélienne.
Il est juste dommage que la finesse allusive de la mise en scène d’Aviram cohabite avec des scènes plus naturalistes, plus conventionnelles, plus décoratives, mettant en jeu une batterie de personnages secondaires (Marchand mais aussi Emma de Caunes, Jean-Quentin Châtelain, un cafetier, une hôtelière…), comme si le réalisateur avait un peu peur de s’en tenir à son seul sujet, à ce fils mutique et ce vieux père peu bavard, comme s’il avait voulu à tout prix meubler son film, ménager des respirations, et raccrocher le spectateur à des figures de témoins auxquelles il puisse plus facilement s’identifier.
On comprend parfaitement ce souci d’apporter un contrechamp extérieur qui anime et éclaire l’opacité relative des deux principaux protagonistes, mais il paraît ici un peu trop théorique, visible, et parfois accessoire. Bémol mineur pour ce très beau film où excellent tous les acteurs sans exception.
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