Une pochade anodine, drôle par intermittence, par l’auteur du très beau « Cinq ans de réflexion ».
Les enfants d’Apatow grandissent. Et ils ne cessent, puisque c’est à ça qu’ils ont été formés, de se demander ce que ça veut dire, « grandir ». Seth Rogen, qui produit (avec sa société Point Grey Pictures, calquée sur la maison mère de papa Judd) et interprète le rôle principal de Nos pires voisins, reprend où il l’avait laissé son personnage d’En cloque, mode d’emploi – même s’il ne s’agit pas stricto sensu d’un sequel. Désormais marié (avec la charmante Rose Byrne) et père d’une petite fille, il est rentré dans le rang. Aussi, lorsque s’installe une confrérie étudiante à côté de chez lui, festoyant jour et nuit et l’empêchant de finir ses nuits, il se retrouve à lutter contre ce qu’il fut jadis. Si de ce pitch forcément alléchant Nicholas Stoller tire une comédie efficace, Nos pires voisins est également le signe d’une certaine régression de la part des « Apatow boys » (déjà visible dans C’est la fin ou 21 Jump Street).
Après le très beau Cinq ans de réflexion, échec public mais réussite artistique, précisément parce qu’il s’épanouissait dans la lenteur et ne cachait rien de l’amertume des amours interrompues, Stoller s’adonne ici à une forme de comédie plus hystérique (Gaspar Noé est cité dans le dossier de presse !), volontiers grossière (le record d’occurrences du mot « bite » et de la chose elle-même est probablement battu) mais au fond assez normative, ne serait-ce que par les corps convoqués. Les apollons Zac Efron (garant du succès foudroyant du film aux Etats-Unis) et Dave Franco (même sourire ravageur que James, la bizarrerie en moins) n’ont plus rien à voir avec les glandeurs normcore d’En cloque, mode d’emploi.
Stoller enchaîne les gags avec un tempo élevé et un sens du burlesque d’autant plus appréciable qu’il est un des seuls aujourd’hui à le maîtriser (c’est fou ce qu’on peut faire avec un airbag). Mais son refus d’aller jusqu’au bout, jusqu’au malaise, là où la comédie touche à l’existentiel et bouleverse, le condamne à ne réaliser qu’une sympathique pochade estivale – ainsi qu’une monstrueuse machine à cash qui, espérons-le, lui permettra d’exprimer sa vraie sensibilité la prochaine fois.
Nos pires voisins de Nicholas Stoller, avec Seth Rogen, Zac Efron, Rose Byrne (E.-U., 2014, 1 h 37), en salle le 6 août