Un premier essai australien qui renoue avec les origines du cinéma d’horreur.
Précédé d’une rumeur favorable et auréolé de nombreux prix en festival depuis sa présentation à Sundance, Mister Babadook nous parvient avec la réputation déjà acquise de « chef-d’œuvre ». C’est peut-être légèrement exagéré, mais c’est également un bon indicateur de la santé générale du genre dans lequel il s’inscrit : au milieu du flot d’indigentes productions bis américaines qui trustent le marché, ce premier long métrage de l’Australienne Jennifer Kent fait figure d’outsider surprenant et, pourquoi pas, de promesse d’un nouveau souffle dans le paysage horrifique.
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Le point de départ du film n’a pourtant rien de très original : on y découvre une femme endeuillée et dépressive qui vit seule avec son jeune garçon dans une maison isolée, jusqu’à ce qu’un livre de contes vienne perturber leur quotidien. Il y est fait état d’un monstre, le fameux Babadook, dont la simple évocation réveille les forces obscures (façon Candyman, le petit classique de Bernard Rose, abondamment cité), et qui va peu à peu hanter les nuits de la mère et de son fils. A moins que ça ne soit qu’une simple illusion, la fabrication mentale d’une femme qui pète les plombs et prend ses cauchemars pour la réalité.
Jennifer Kent ne choisira aucune de ces deux hypothèses, filant la métaphore du démon intérieur et récitant ses gammes polanskiennes avec une application un peu scolaire – pas vraiment aidée par une actrice principale qui en fait des tonnes dans le registre de la confusion psychique.
Mais le tour de force du film est ailleurs. Il tient dans sa mise en scène audacieuse et très sûre, dans sa manière de refuser les effets chocs au profit d’une horreur rudimentaire, choisissant de figurer le monstre comme une pure présence invisible, une longue silhouette noire armée de griffes métalliques, une ombre qui s’insinue dans les coins, souffle dans les nuques mais jamais ne se montre.
Quelques extraits du Livre magique de Méliès disséminés ici ou là disent bien le pari de Jennifer Kent de s’en tenir à un fantastique primitif, celui qui croyait au pouvoir de sidération des ombres, qui n’était pas encore parasité par les lubies postmodernes et la course au spectaculaire du genre. C’est la grande leçon de ce premier film décisif : pour pouvoir se réinventer, le cinéma d’horreur devra se défaire de l’imagerie, retrouver l’état d’innocence de ses origines. Il a pour l’instant trouvé en Mister Babadook son plus terrifiant héros de l’année.
Romain Blondeau
Mister Babadook de Jennifer Kent, avec Essie Davis, Noah Wiseman (Aus., 2013, 1 h 34), en salle le 30 juillet
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