L’artiste contemporaine Marina Abramovic, actrice hors pair, revisite son passé sur le ton de la fiction. Journal intime séduisant et ambigu. Un réalisateur discret tombe sous le charme d’une artiste charismatique et lui demande de tourner pour lui. Elle accepte et voilà comment naît Balkan baroque, un film de Pierre Coulibeuf avec Marina Abramovic. Un […]
L’artiste contemporaine Marina Abramovic, actrice hors pair, revisite son passé sur le ton de la fiction. Journal intime séduisant et ambigu.
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Un réalisateur discret tombe sous le charme d’une artiste charismatique et lui demande de tourner pour lui. Elle accepte et voilà comment naît Balkan baroque, un film de Pierre Coulibeuf avec Marina Abramovic. Un projet qui tombe bien pour les deux personnes, lui étant pratiquement inconnu dans le milieu cinéphile il a à son actif quelques courts métrages de création sur Pierre Klossowski et Michel Butor et des films réalisés en collaboration avec des artistes contemporains comme Jean-Luc Moulène. De son côté, depuis dix ans, c’est-à-dire depuis sa séparation avec Ulay, Marina Abramovic traverse une crise personnelle : elle a besoin de repenser son passé, de se le réapproprier, car du point de vue de l’histoire de l’art, Marina Abramovic est indissociable de son ex.
Dans les années 70, amoureux fous, ils se sont illustrés dans des performances hallucinantes, explorant l’excès et l’insoutenable, se giflant tour à tour, se roulant des pelles interminables, se hurlant dessus jusqu’à l’épuisement.
Balkan baroque, c’est donc cela : la rencontre d’un cinéaste et d’une artiste en quête d’eux-mêmes, à la recherche d’un second souffle. Construit sous la forme d’un journal intime rapidement ébauché, le film est rythmé par les grandes dates de la vie de Marina Abramovic : 1946, naissance à Belgrade d’un père général dans l’armée yougoslave, quitte son pays à 30 ans, rencontre Ulay, séparation, etc. L’etc., c’est ce film qui entretient une confusion permanente entre art et cinéma, empruntant son titre à la performance de Marina Abramovic qui lui valut le prix de la biennale de Venise en 1997. Quatre jours durant, dans une odeur nauséabonde de chair animale et d’eau savonneuse, elle a raclé mille cinq cents os de bœuf frais tout en récitant des histoires enfantines yougoslaves.
Cinématographiquement, Balkan baroque est d’une efficace simplicité : un plan fixe face à une Marina Abramovic dont la vie quotidienne peine à se disjoindre de tout acte artistique : séduire, manger, nettoyer se transforme en performance. Actrice hors pair et don du ciel pour un cinéaste en mal d’histoire, l’artiste exorcise en même temps un passé trop pesant. D’ailleurs, jamais le cinéaste n’ira puiser dans les archives vidéo, tout se passe aujourd’hui et maintenant : engagée, Marina Abramovic rejoue avec conviction certaines performances, au risque de basculer dans l’automutilation gratuite. Elle réexécute Lips of Thomas, une performance qui consiste à graver sur son ventre une étoile de David avec une lame de rasoir. Traitement baroque pour un remake anecdotique et problématique d’un point de vue artistique, qui transforme Marina Abramovic en personnage de fiction.
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