Vacances sous la pluie, ou le génie de la banalité du cinéma latino-américain.
S’il y a une notion quasi absente du paysage du nouveau cinéma latino-américain, c’est le star-system. En dehors de l’Argentin Ricardo Darín, on serait en peine de citer un seul nom d’acteur. On ne s’en plaint pas, c’est dépaysant.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
La raison de ce relatif anonymat est due au type de films produits (principalement) en Argentine et au Chili, voire au Brésil, plutôt réalistes, axés sur le quotidien des classes moyennes. En Uruguay, pays limitrophe de l’Argentine, où a été produite cette chronique familiale, on suit l’exemple du voisin dominant. Deux enfants renfrognés et leur père divorcé partent quelques jours en vacances dans un rudimentaire Center Parcs uruguayen. Le hic, c’est qu’il pleut en permanence. D’où le titre : Tanta agua (“Tant d’eau”)…
Cette notion extérieure, atmosphérique, influe sur les comportements ; elle fait ressortir le marasme et l’insatisfaction chronique des uns et des autres. Au lieu de scénariser ou de dialoguer à outrance, on se contente donc de confronter les héros à des situations micro-déceptives (la famille interdite devant la piscine sous la pluie ; le père venant chercher sa fille dans une boîte de nuit). Le réel (les intempéries) rend impossible le cliché de la famille heureuse ; de même que, dans plusieurs films argentins, des losers voient leurs rêves de bonheur ou de grandeur retomber comme des soufflés.
Ce réel comme obstacle est aussi une manifestation de la vitalité de ce cinéma un peu fruste. La pluie est en quelque sorte le MacGuffin du film, un prétexte permanent. Mais il est moins artificiel que dans l’argentin Lluvia de Paula Hernández, sur un huis clos amoureux dans un embouteillage sous la pluie. Dans Tanta agua, la progression du récit est naturelle ; il n’est jamais figé sur une pose ou un parti pris. La pluie disparaît d’ailleurs du paysage avant la fin.
Car même cette donnée scénaristique n’est pas rigide. Légèreté corroborée par des notations humoristiques éparses qui contribuent au charme doux-amer de cette non-aventure, qui substitue avec acharnement la trivialité au glamour. Père grassouillet un peu chapardeur, fille boudeuse évoquant la Charlotte Gainsbourg ado, jeune frère au visage assez ahuri : le film carbure à l’ordinaire, en frisant constamment la platitude, mais sans jamais y tomber puisque les situations sont souvent transcendées par des petites touches amusantes ou contemplatives. Tout cela pour tenter d’exprimer l’indicible et discrète séduction de ce film d’une modestie rafraîchissante (comme la pluie en été).
{"type":"Banniere-Basse"}