Un vieux Juif new-yorkais ne peut échapper aux ombres incisives de la Shoah. Rod Steiger minéral dans un Lumet d’envergure.
C’est un film noir oppressant, tourné en grande partie dans les rues de New York et en son direct (influence Nouvelle Vague), bercé par une sublime BO de Quincy Jones. Un vieux Juif, Sol Nazerman (Rod Steiger), rescapé
des camps nazis, y a perdu sa femme et ses enfants. Il vit à New York où il tient une boutique de prêteur sur gages dans le quartier de Harlem. Détruit, cynique, insensible, Nazerman ne veut plus croire en rien, ni en Dieu, ni en l’homme.
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Son magasin grillagé ressemble à une prison, celle où il tente dans l’ombre et la chaleur de retenir ses affects, son reste d’humanité et ses souvenirs, qui lui reviennent par flashes, parfois subliminaux pour le spectateur mais assez longs et évocateurs pour qu’il puisse deviner le reste, donc l’horreur.
Le monde extérieur ne lui est d’aucune aide : des amis et des familiers qui le font culpabiliser, des mafieux qui veulent le faire entrer dans leurs magouilles, et puis cet antisémitisme banalisé qui règne aussi en Amérique, comme une malédiction éternelle, une sale épidémie qui ne disparaîtra jamais. Nazerman repousse ceux qui tentent de lui manifester la moindre sympathie (une travailleuse sociale, son jeune employé sud-américain). La vérité, c’est que Nazerman veut mourir. Mais tout n’est pas si simple.
Le Prêteur sur gages, septième film de Sidney Lumet, réalisateur venu de la télévision, est fameux pour des raisons historiques : à cause d’une scène où une prostituée expose sa poitrine pour soudoyer Nazerman. Le film aurait entraîné quelques années plus tard l’abandon des lois sur la censure du code Hayes.
Mais, avec la distance, c’est surtout l’un des premiers portraits cinématographiques d’un rescapé de la Shoah et son impossibilité d’en réchapper sans séquelles. Rod Steiger, acteur qui ne faisait pas toujours dans la dentelle, en livre pourtant une interprétation minérale, suintante, tragique et fortement empathique.
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