Un blockbuster élégant sur fond de peur nucléaire et de drame familial.
Six décennies et une trentaine d’adaptations plus tard, le mythe du roi des monstres continue d’être exploité. Après la catastrophique version de Roland Emmerich en 1998, le Britannique Gareth Edwards réhabilite la franchise en y injectant une certaine finesse. Le scénario, convenu, répond aux canons du genre : un drame personnel doublé d’une catastrophe nucléaire dont la résolution, quinze ans plus tard, passe par la destruction spectaculaire de villes entières, parallèlement à la lutte des protagonistes pour recomposer leur noyau familial. L’intérêt de cette version 2014 est ailleurs.
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Dans la mise en scène d’abord : Gareth Edwards parvient à déployer du grand spectacle tout en conservant une certaine retenue. Les monstres, immenses et très réussis, sont la plupart du temps filmés partiellement en caméra subjective. Ici un pied de Godzilla entraperçu dans l’embrasure de la porte d’une maison détruite, là sa queue vue à travers la vitre brisée d’un bus. Cette multiplication des points de vue immisce le spectateur au plus près de l’action, sans perdre de vue la dimension humaine de la catastrophe.
Le cinéaste prend le parti d’ancrer son Godzilla dans la culture japonaise. En reprenant la tradition des kaiju eiga – ces films où plusieurs monstres se foutent sur la gueule –, d’abord. Car Godzilla n’est pas le grand méchant de ce film. Il en est même le héros, en allégorie de la nature régulatrice face aux conséquences des expérimentations nucléaires de l’Homme. C’est d’ailleurs suggéré, assez lourdement, par le scientifique japonais – campé par Ken Watanabe –, dont le père est mort à Hiroshima le 6 août 1945 : « L’arrogance de l’Homme est de penser que la nature est sous son contrôle, et non pas l’inverse ».
Comme dans la première version d’Ishirō Honda, réalisée en 1954 en plein traumatisme post Hiroshima-Nagasaki, la peur nucléaire est au cœur de ce drame. On y dénonce les risques de l’exploitation de l’énergie atomique, dans une vision teintée de shintoïsme : les forces de la natures sont plus puissantes que l’action de l’Homme.
Avec des acteurs convaincants – Bryan Cranston, anti-héros de Breaking Bad, les jeunes Aaron Taylor Johnson (Kick-Ass) et Elisabeth Olsen (splendide dans Martha Marcy May Marlene), Juliette Binoche dans un petit rôle – et quelques belles séquences – dont celle, somptueuse, de militaires parachutés dans la nuit à quelques mètres du combat des monstres –, Gareth Edwards livre une œuvre très premier degré, mais prenante et plutôt élégante. Un blockbuster bien plus fin que la moyenne du genre.
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