Le psychodrame conjugal de Samuel Benchetrit, « Un voyage », traite d’amour fou, d’euthanasie et de singes. Un fourre-tout tourné à l’arrache et dont la subversion tombe à plat.
• Le sujet
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Dans le registre de ses désirs de cinéaste, le romancier Samuel Benchetrit avait déjà coché les cases “comédie populaire” (Janis et John), “farce bricolée à la Michel Gondry” (Chez Gino) et “pastiche prestigieux de cinéma américain” (J’ai toujours rêvé d’être un gangster). Une petite œuvre à laquelle il ajoute aujourd’hui un nouveau chapitre, cette fois dans le genre sensible du “psychodrame conjugal” à forte connotation sociale : soit Un voyage, le film le plus gratuit, bizarre et embarrassant vu depuis très longtemps. On y suit les mésaventures d’un couple d’intellos (lui est écrivain; elle est névrosée) partant un week-end se ressourcer dans une station balnéaire suisse avant que – spoiler alert – madame ne s’injecte une dose mortelle de barbituriques pour échapper au cancer qui la guette.
• Le souci
Jusqu’à l’ultime scène assez gênante du suicide assisté, Un voyage entreprend donc de raconter les derniers jours d’un couple condamné, ses nuits de sexe triste, ses violentes prises de bec et ses bilans existentiels. Une histoire passionnelle, intense, que Samuel Benchetrit aborde en cinéaste guérillero, cherchant dans le dépouillement ostentatoire de sa mise en scène à recueillir une sorte de vérité nue des sentiments amoureux. Entre deux aphorismes un peu godiches (“le bien est plus faible que le mal”, ou “le temps est un salaud”), le film accumule alors les scènes de psychodrame hystériques, incarnées par deux acteurs livrés aux démons du cabotinage – dont Anna Mouglalis, qui n’est jamais aussi mal dirigée que chez Samuel Benchetrit. Sûrement issu d’une mauvaise lecture de Zulawski ou Pialat, dont il n’aurait retenu que les cris et les larmes, bref la caricature, Un voyage ressemble au fond à une parodie inconsciente du cinéma d’auteur français, plombée par un cruel esprit de sérieux.
• Le symptôme
En librairie comme au cinéma, il y a toujours eu une constante dans l’œuvre de Samuel Benchetrit : une sorte de romantisme adolescent, un côté mauvais garçon – “nouveau Gainsbourg”, entendait-on dans les années 2000 – auquel il tente aujourd’hui en vain de se raccrocher. Un voyage pourrait être à ce titre un autoportrait du cinéaste en rebelle, dont l’idée de subversion se résume à filmer du sexe frontal, un suicide en plan fixe ou des acteurs mimant des singes pendant des plombes devant le regard ahuri de bourgeois pincés, suisses de surcroît. Peut-être faudrait-il que quelqu’un se dévoue enfin pour dire à Samuel Benchetrit que tout cela n’effraie plus que les vieilles rombières et les curés.
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