Juchés sur leur petite reine, deux journalistes arpentent les chemins de traverse : la campagne électorale au ras du bitume.
Finalement, eux aussi travaillent en open-space. Mais à la différence de leurs collègues de bureau, datajournalistes et autres fact-checkers, Raphaël Krafft et Alexis Monchovet ont l’horizon comme point de mire et le reportage tout-terrain comme mode opératoire – accidenté et sans limites, le terrain. Animés par cette croyance presque fanée que l’aventure attend au bas de la pente, les deux envoyés spéciaux de La Campagne à vélo ont entamé une manière de Grande Boucle un peu biscornue qu’ils achèveront lors du grand soir présidentiel du 6 mai. Garges-Vénissieux via Tulle, soit 3 500 kilomètres sur des Vélib’ à l’ancienne – des bicyclettes avec des sacoches à l’arrière, la honte. Pour ces Tintins à rustine, c’est Objectif urne : regarder la France à hauteur de guidon, compter sur le hasard des carrefours pour croiser l’aborigène et sonder ses moeurs électorales. Accessoirement, dormir chez lui (par défi, tout hôtel leur est interdit).
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Du hobo-journalisme, si l’on veut, dont l’avantage selon Raphaël Krafft “est que lorsqu’on se met en situation de fragilité, on rencontre ceux qui ne rentrent pas dans les cases, les personnages non identifiables”. L’ironie du périple est que les deux naufragés volontaires restent eux très repérables, et pas seulement grâce au traceur GPS qu’ils ont embarqué. Ils pédalent vite mais n’échapperont pas à leur époque, qui veut que tout projet, aussi humble et poétique soit-il, s’accompagne d’une ambition médiatique décuplée par les innovations techniques. Conçu à partir du tracé des cartes routières, vécu dans le maillage des villes et des campagnes, leur voyage en terra incognita se déploie en simultané sur les réseaux sociaux : Facebook, Twitter, mais aussi Dailymotion, Rue89, France Bleu et FranceTV info (le site news de France Télévisions).
Au quotidien, une métamorphose du réel en entrelacs numériques qui annonce sans doute de nouvelles formes de déconstruction du récit, au risque de le rendre très fragmenté.
Plus proche de Strip-tease que de J’irai dormir chez vous
Si l’on perd un peu du pouvoir évocateur des précédentes échappées en solitaire de Raphaël Krafft (en 2002 et 2007 pour France Culture), la campagne 2012 a gagné en accessibilité, en notoriété… Mais au sein de ce dispositif cross-médias, rien ne détourne de l’essentiel : le regard des deux SPF (sans parking fixe). Alexis Monchovet (documentariste aguerri sur les chemins caillassés de Palestine) et Raphaël Krafft (confesseur goguenard et sans concession) livrent une sorte de comédie démocratique 2.0, les vidéos postées sur Facebook se révélant plus proches de Strip-Tease que de J’irai dormir chez vous.
Sans prétendre à l’étude sociologique, La Campagne à vélo touche alors au sensible et à la volatilité des croyances.
“L’engouement pour la politique nous paraît moindre qu’en 2007, racontent-ils, mais surtout les lignes de fractures entre la gauche et la droite sont plus floues. Beaucoup sont indécis et vont passer d’un bord à l’autre, mais cela ne sera pas un vote d’adhésion.”
Le web-feuilleton d’une France qui a déjà déraillé ?
La Campagne à vélo sur Facebook, Twitter, Rue89, Dailymotion, francetv.fr/info, France Bleu
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