Un an après la mort d’un adolescent, le préfet de police de Marseille envisagerait de faire sauter une partie d’un immeuble abritant des trafiquants de drogues.
C’est une cité au bout de la ligne du métro, dans le 13e arrondissement, au nord de Marseille. Le Clos la Rose, une des nombreuses zones urbaines sensibles de la ville, est un petit ensemble de quatre barres d’immeubles d’une dizaine d’étages maximum. 730 logements ont été construits ici au début des années 60. Au milieu de ce fer à cheval, une grande esplanade et un supermarché discount. Le taux de chômage avoisine les 35%. Mais on est loin du ghetto. Pas ou peu de tags, quelques touches d’espaces verts, des gens qui vont et viennent. Du mouvement, de la vie. A priori, rien d’alarmant. Pourtant, selon nos confrères de La Provence, c’est ici que le préfet délégué à la sécurité de la cité phocéenne, Alain Gardère, voudrait dynamiter un des immeubles.
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« Avant toutes ces constructions, ici, il n’y avait que des fermes où les gens venaient chercher leur lait ou leurs œufs, raconte un vieil homme qui promène son chien. Mais maintenant, c’est Chicago. »
A l’une des entrées de la cité, on les repère immédiatement. Et réciproquement. Deux « minots », âgés entre 12 et 15 ans, font le guet. Preuve qu’un trafic de drogues, shit et herbe surtout, prospère à l’intérieur de la cité. Une situation assez banale à Marseille où plusieurs quartiers sont devenus des supermarchés à ciel ouvert. Au Clos la Rose, le deal monte en puissance depuis quatre ou cinq ans. « Les bobos du centre-ville et les étudiants viennent souvent ici parce que le quartier est pratique et propret, explique un riverain. Il est très facile d’accès et il fait moins peur que les grands ensembles comme La Castellane (dans le 16e arrondissement, ndlr). »
Le trafic s’est développé autour de l’entrée 41. Ce n’est pas un hasard. Sa position centrale permet de surveiller toutes les entrées de la cité, du métro et le parking. Selon nos informations, le business tournerait essentiellement autour de trois appartements. Pas davantage. « Mais on nous dit aussi que certaines familles laissent leurs appartements ouverts jour et nuit pour permettre aux dealers de s’y réfugier en cas de descente de la police, s’alarme Yves Moraine, président du groupe UMP à la mairie de Marseille. La démolition n’est pas la panacée. Mais il faut bien mettre un coup de pied dans la fourmilière. » A moins qu’il s’agisse de faire disparaître un symbole.
C’est au pied de cet immeuble qu’en novembre 2010 un adolescent de 16 ans avait été tué par une rafale de kalachnikov. La fusillade avait blessé un autre gamin de 11 ans. Depuis, le trafic a repris son cours. Comme s’il ne s’était rien passé.
Même si tous les médias évoquent l’affaire aujourd’hui, l’idée de détruire l’immeuble du « 41 » n’est pas nouvelle. Mais jusqu’à présent, elle n’avait pas atterri sur la place publique. Elle a été abordée lors d’une réunion de travail entre le bailleur social, 13 Habitat, et la préfecture.
« C’était il y a environ six mois de cela, se souvient Christophe Masse, président de 13 Habitat et élu socialiste marseillais. On avait évoqué cette possibilité, comme d’autres solutions, pour donner de l’air au quartier. Mais ça ne devait pas sortir du bureau. »
Pour lui, cette annonce n’intervient pas par hasard. « J’entretiens de bonnes relations avec le préfet Gardère, et je le trouve plutôt efficace. Mais là, apparemment, à quelques jours du premier tour de la présidentielle, on lui a demandé de passer à la vitesse supérieure. »
Un avis partagé par le maire socialiste du secteur, Garo Hovsepian, qui ne décolère pas : « Sarkozy nous avait promis la tolérance zéro. En fait, c’est le niveau zéro de la réflexion ! On ne va pas détruire un immeuble à chaque fois qu’il y a un trafic. Ce qu’il faut, ce sont des moyens humains et matériels. Depuis la fusillade de 2010, on n’a obtenu aucune aide supplémentaire pour sécuriser le quartier. Le commissariat du 13e arrondissement compte une vingtaine de personnels dont la moitié seulement est sur le terrain. Pour 95 000 habitants ! »
A quelques rues du Clos la Rose se trouve le centre social de Val Plan-Bégudes. Son directeur, Joël Desroches, connaît ces quartiers et leurs habitants par cœur. La démolition du « 41 » le laisse perplexe : « Cette solution risque simplement de déplacer le problème. Et puis, elle paraît démesurée. Ici, on n’est pas à La Duchère (une grande cité dans la banlieue lyonnaise, ndlr), ni à La Courneuve. »
En 2005, après le meurtre d’un adolescent pris dans une fusillade, Nicolas Sarkozy avait promis de nettoyer au « Kärcher » la cité Balzac, haut lieu du deal en Seine-Saint-Denis. Six ans après, l’immeuble de 285 logements disparaissait sous les coups des pelleteuses. Mais jusqu’à preuve du contraire, le trafic, lui, n’a pas disparu de La Courneuve.
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