Une fable très farfelue qui inverse les rouages de la domination masculine.
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Pour son second long métrage, Riad Sattouf aurait pu choisir la facilité. Profiter du carton de ses Beaux Gosses (sélection à la Quinzaine des réalisateurs, presque un million d’entrées, César du meilleur premier film en 2010) pour enfiler la couronne – peu disputée certes – de prince de la comédie française.
Au lieu de ça, il a choisi de se lancer dans un des projets les plus étranges que le cinéma français, pourtant peu avare en la matière, ait produits récemment. Dans Jacky au royaume des filles (beau titre), Sattouf imagine un Etat totalitaire sous la coupe d’un abject matriarcat, où un jeune homme soumis comme il se doit (le toujours excellent Vincent Lacoste) ne rêve que d’une chose : participer au “grand bal de Bubunne” pour y épouser la colonelle, belle et fougueuse héritière du trône.
Un remake satirique et “inversé” de Cendrillon, en somme. Si Jacky au royaume des filles (beau titre) n’accomplit pas toutes ses potentialités, notamment comiques, et semble parfois s’aventurer sur les rives de la “zèderie” heureuse – quoiqu’un dialogue, très drôle, sur la culture du navet laisserait penser que son auteur n’est pas dupe –, il finit par emporter l’adhésion.
Politiquement, d’abord, Sattouf prouve que le rire et la farce sont porteurs de fruits autrement plus juteux que toutes les sérénades édifiantes visant à dénoncer la place des femmes dans la société (Wajma, une fiancée afghane, récemment). Le retournement des conventions sexistes contre ceux qui en usent habituellement produit ainsi une puissante fascination, un trouble authentique chez le spectateur. Des vêtements au langage, du discours médiatique à la religion (en général, et pas spécifiquement musulmane, même si les “voileries” grotesques portées par les hommes rappellent le hijab), Jacky au royaume des filles (beau titre) démonte habilement les rouages de la domination.
Surtout, avec une geste qui n’est pas sans rappeler Jacques Demy (l’homme enceint de L’événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la lune, le conte détourné à la Peau d’âne, les femmes guerrières de Lady Oscar), Sattouf reste fidèle à son éthique queer – qui signifie originellement “bizarre”. Queer jusqu’au génial dernier plan, qui vaut bien, à défaut de la couronne de prince de la comédie française, celle de Grand Couillon du royaume.
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