Après des années de préparation, le duo français a dévoilé l’étendue de sa mélancolie dans un premier album à la finesse presque maniaque. Rencontre.
« Là-bas, le soleil s’écroule dans la mer.” Le temps a passé depuis La Ballade de Jim, une reprise de Souchon par Paradis, en 2012, que certains écoutaient sans faire attention à la signature. Le temps a passé et a fait son travail. D’un côté, ceux qui se passaient en boucle La Ballade de Jim à l’époque ont eu le temps d’oublier ; de l’autre, le duo s’est organisé.
Si bien qu’après des années de travail, la case ep et un bouche à oreille habitué aux secrets de Polichinelle, Paradis a publié un premier album que des fans déjà en place attendaient fébrilement. Titré Recto verso, c’est le genre de disque à écouter chez soi en PLS, quand dehors le ciel s’effondre et que seule la mélancolie perce à travers les volets. “Quand je tombe sur des commentaires qui mettent en avant notre ‘légèreté’, raconte Pierre lorsqu’on les rencontre un après-midi de septembre, je me dis qu’on fait quelque chose qui a davantage de substance, qui n’est pas si superficiel que ça peut en avoir l’air.”
Une musique faite à l’instinct
Paradis, c’est l’histoire banale de deux garçons qui se rencontrent dans
une soirée à Paris, chez un ami commun, et ne se lâchent plus. Nous sommes fin 2010, Simon Mény et Pierre Rousseau n’habitent pas en France depuis longtemps. Ils ont passé leur vie en Angleterre (pour Pierre) et entre l’Argentine et le Portugal (pour Simon).“C’est allé extrêmement vite”, se souvient Pierre. Dès le lendemain de la soirée, ils se mettent à jouer de la musique ensemble, assez naïvement, mais les choses prennent tout de suite forme. Une esthétique s’invente, des idées s’arrêtent et quelque chose finit par naître : Paradis existe.
“Quand on a commencé, poursuit Pierre, on essayait beaucoup de se ressembler et de se plaire, alors que pendant les derniers mois de l’album on a compris que nos différences pouvaient être une force. Il fallait les sublimer.”
Ces différences s’expriment dans les rapports personnels complexes qui se sont installés entre Simon et Pierre, le premier posant sa voix pleine de langueur sur les prods plutôt up tempo du second. “Quand je fais de la musique de mon côté, c’est vrai que c’est très triste”, lâche Simon. “Et moi, c’est maxi patate”, répond Pierre. Le résultat est cette musique qui donne envie de se rouler en boule sur le tapis mais dont le potentiel d’agitation n’éloigne jamais trop longtemps du dance-floor.
Il y a un truc presque maniaque dans cette formule esthétique tenue et tendue d’un bout à l’autre de l’album. “On a un processus assez jusqu’au-boutiste, admet Pierre. On est tous les deux actionnaires à parts égales des décisions artistiques. Si je fais quelque chose qui ne plaît pas à Simon, ce n’est pas Paradis – et vice versa.”
Entre musique électronique et chanson française
A mi-chemin entre house music et chanson française, Recto verso raconte un coup de foudre musical entre deux garçons issus de la musique électronique mais qu’un lien intime à la France a poussés à chanter quelques mots délicats.
“On n’a jamais eu l’impression de jouer un rôle, dit Pierre. Ni du côté de la musique électronique, ni du côté de la chanson. Parfois, il arrive qu’on nous dise que notre musique ressemble à ça ou ça – en général, des choses qu’on ne connaît pas, mais en les découvrant on réalise que oui, il y a quelque chose. Ça a été le cas avec Laurent Voulzy, par exemple.”
En douze chansons, Pierre et Simon racontent leur rencontre et le monde clos qu’elle a créé autour d’eux. Mieux, ils racontent les rencontres et les subtilités des relations à deux, quand les sentiments ne s’accordent pas, même individuellement. “Simon et moi, confie Pierre, on a une relation très forte. On n’est pas un couple mais il y a beaucoup de choses qui s’apparentent à ça.”
Et ça se voit pendant l’interview – dans leurs regards, dans l’humour qu’ils partagent, dans leur pudeur l’un envers l’autre. Il ne leur reste plus qu’à s’ouvrir à la scène, qu’ils découvrent petit à petit. Ils sont d’ailleurs en tournée actuellement, avec quatre dates dans le cadre des inRocKs Festival. “Un concert, mesure Simon, c’est une série d’ascenseurs émotionnels. Mais quand on en termine un, on n’a qu’une envie, c’est d’y retourner.”
A toute, alors.
tournée le 17 novembre à Tourcoing, le 18 à Paris (Cigale), le 19 à Nantes
et le 21 à Bordeaux dans le cadre des inRocKs Festival.