Un solide travail de documentation autour de la vie de ces fourmis industrieuses du panthéon de la pop : les choristes.
Le retour des choristes. Attention, pas les garçons en culottes courtes de l’internat sépia de papy Jugnot, mais les soul sistahs et autres félines qui faisaient don de leur organe dans les tubes des années 60 et 70.
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On ignore souvent leurs noms (rappelons-les : Darlene Love, Lisa Fischer, Merry Clayton, Claudia Lennear, Tata Vega, Judith Hill, Gloria Jones, Cindy Mizelle…), mais on connaît tous leurs voix, derrière Sinatra, les Stones, Ike & Tina Turner, Springsteen, Joe Cocker, George Harrison, enluminant Gimme Shelter ou My Sweet Lord.
Présentes sur des disques vendus par millions mais anonymes, plantées à l’arrière des scènes face à des dizaines de milliers de spectateurs-auditeurs extatiques qui ne les regardent pas, “à six mètres de la célébrité”, comme le résume le titre. Six mètres, mais un gouffre entre la gloire et l’ombre, les millions sur le compte en banque et les rémunérations irrégulières, le statut d’immortel et celui d’intermittent du show.
Le documentaire de Morgan Neville remet ces femmes superbes en pleine lumière et livre une réflexion sur la condition de choriste, comparable à celle de ces seconds rôles du cinéma dont le visage nous est familier, mais dont le nom nous échappe. Certaines, telle la splendide Lisa Fischer, sont épanouies par leur carrière en retrait : leur timidité, leur fragilité, leur personnalité ne les destinaient pas aux feux irradiants de l’hypercélébrité. Collaborer au travail de stars, partager la scène avec les Stones lors de leurs tournées mondiales, il y a pire comme métier et comme destin. D’autres (Darlene Love, Claudia Lennear, Tata Vega…) ont essayé de s’arracher de la chorale et de franchir les six mètres – avec des fortunes diverses.
Par ailleurs, à travers notamment les fines analyses du Boss, ce doc reflète une fois de plus la dimension casino de l’univers du show-business : ces fleurs plantureuses de la chanson auraient pu, auraient dû, accéder à de belles carrières solo, alors pourquoi d’autres et pas elles ? Le talent ne suffit pas, il faut aussi une volonté de fer, et la chance du bon timing ou des bonnes rencontres.
La morale de ce film rejoint ainsi celle d’Inside Llewyn Davis en soulignant l’injustice cruelle des métiers artistiques – cruauté qui va jusqu’à faire chanter à une choriste noire l’hymne sudiste réac de Lynyrd Skynyrd, Sweet Home Alabama. Réalisé selon les canons usuels du documentaire (alternance d’entretiens au présent et d’archives), Twenty Feet from Stardom ne révolutionne pas le genre mais déploie un sujet intéressant, rehaussé d’extraits musicaux du feu de Dieu.
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