Un blockbuster démolissant de l’intérieur le dogme du spectacle capitaliste. On croit rêver.
Succès surprise de la collection printemps 2012 de la maison Lions Gate, le premier Hunger Games avait posé les fondations, sur les braises encore fumantes de Twilight et d’Harry Potter, d’une nouvelle saga pour “jeunes adultes”, adaptée d’une trilogie de Suzanne Collins – dont le troisième volume sera dédoublé au cinéma, c’est désormais la norme.
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Il y s’agissait, pour une bande de kids arrachés à leurs familles, de s’assassiner les uns les autres, jusqu’au dernier, dans un Colisée cathodique destiné à divertir la foule cynique autant qu’à mettre en coupe réglée les provinces prolétaires de Panem – métaphore non dissimulée de la Rome impériale et décadente (“panem et circenses”, du pain et des jeux).
L’esquisse de discours politique dessinée par Gary Ross, artisan brouillon mais parfois très inspiré du premier volet, trouve un bel approfondissement dans cette suite signée Francis Lawrence. Katniss Everdeen, fougueuse héroïne incarnée par Jennifer Lawrence, qui prend tellement bien la lumière qu’elle ne laisse pas le moindre photon au reste du cast, devient le symbole d’une fronde qu’il est difficile de ne pas rapprocher de celles agitant, ici et là, le monde.
Ainsi, pendant une bonne heure – avant une seconde partie, dans l’arène, très plaisante mais plus convenue –, Lawrence démonte les rouages obscènes du spectacle avec une habileté surprenante : voir comment, par exemple, le pouvoir aux abois tente de dévoyer le message politique de Katniss en la pipolisant à outrance.
Après Elysium, Lone Ranger, Cloud Atlas ou Snowpiercer, on pourrait croire que Marx n’est, au fond, qu’une mode passagère pour Hollywood, rien de plus qu’une sournoise récupération de slogans dévitalisés. On aurait tort. Car au-delà des réussites diverses de ces films, et si l’argent est évidemment toujours le moteur d’un studio, il n’est pas anodin de poser un regard fictionnalisé et frontal sur certaines réalités sociales.
Cinéaste assez impersonnel (Constantine, Je suis une légende, De l’eau pour les éléphants…), Lawrence, sans doute galvanisé par le matériau d’origine, émaille son académisme bon teint de visions estomaquantes. Comme cette scène glaçante où un vieillard levant le bras en signe de contestation est abattu en public, pour l’exemple ; ou ce brutal raid policier pour mater un embryon de révolte ; ou encore ce défilé de mode, où le glamour soudain se mue en feu intérieur.
Comme le disait notre poète national, “il suffira d’une étincelle, d’un rien d’un geste, il suffira d’une étincelle, et d’un mot d’amour, pour allumer le feu”. Puissance incendiaire du blockbuster.
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