Le cinéaste espagnol a révélé ses temps forts cinématographiques de l’année 2020.
Malgré la pandémie de Covid-19, Pedro Almodovar n’a pas chômé cette année. En février dernier, il décrochait une nomination aux Oscars pour Douleur et Gloire et il a ensuite passé ses semaines de confinement à écrire des essais, publiés en ligne. Enfin, il a réalisé son premier film en langue anglaise, La Voix humaine, une adaptation de Jean Cocteau avec Tilda Swinton, qu’il présentait en avant-première au festival de Venise en septembre dernier. Entre-temps, en grand cinéphile, le cinéaste a évidemment visionné et fait la liste des pépites de l’année sur le site de sa société de production. A découvrir ci-dessous :
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First Cow, de Kelly Reichardt
Pas encore sorti sur nos écrans, le dernier film de la réalisatrice avait fait une première remarquée au festival de Deauville cette année. Pour le cinéaste espagnol, c’est un “Captivant et délicieux western. On peut le voir comme un buddy movie, l’histoire de deux hommes dans l’Oregon du début du XIXe siècle qui unissent leurs destinées pour exploiter le lait d’une vache primée. L’intense présence de la nature rappelle l’univers de Lucrecia Martel. »
Le Diable, tout le temps, d’Antonio Campos
“Un film merveilleux ! L’Amérique profonde, déchirée, poétique, fanatique racontée avec subtilité et précision. Je le reverrai plusieurs fois. Une trame difficile traitée d’une main de maître. Je me souviens d’Antonio Campos en tant que producteur de Martha Marcy May Marlene qui m’a énormément impressionné en 2011. ”
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Drunk, de Thomas Vinterberg
“Une histoire émouvante et pas du tout moraliste sur l’initiation, en groupe, de quatre amis à la consommation d’alcool qui les mène au bord de l’abîme. (L’idée de départ est drôle et j’ignore si elle est très scientifique : l’être humain naîtrait avec un déficit d’alcool de 0,5 g par litre de sang.) Ces quatre enseignants et amis décident de pallier quotidiennement ce manque sous prétexte qu’ils se porteront mieux et seront plus efficaces dans leur travail. Ce prétexte, parfois amusant et très souvent pathétique, les noie littéralement dans l’alcool tandis que leurs vies s’effondrent. Il y a un mélange d’optimisme et de mélancolie dans cette histoire, ce qui la rend très spéciale. Les acteurs sont formidables. Mads Mikkelsen donne une leçon magistrale de sobriété gestuelle. À la fin du film, en pleine explosion émotionnelle de fin d’année scolaire, Mads, parmi ses élèves aussi ivres que lui, entreprend une danse, une véritable catharsis qui émeut jusqu’aux larmes. Le Dogme nous revient en grande forme.”
Swallow, de Carlo Mirabella-Davis
“Pour tenter de définir le style de Mirabella-Davis, son réalisateur, on pourrait dire que le film est un mélange de Yorgos Lanthimos, Jessica Hausner et Todd Solondz. L’héroïne, incarnée par l’extraordinaire Haley Bennett, a la manie compulsive de mettre dans sa bouche et d’avaler de petits objets qu’elle récupère dans ses selles et qu’elle nettoie et conserve comme autant de trophées. Les choses se compliquent lorsqu’elle commence à ingérer des objets pointus tels qu’une punaise, etc. J’ai regardé le film avec une sensation d’étonnement du début à la fin. Un sujet difficile à développer qui, ici, ne faiblit à aucun moment.”
I’m No Longer Here, de Fernando Frías
“Candidat mexicain aux Oscars (débuts du réalisateur Fernando Frías), ce film raconte la vie minable d’un gang, Los Terkos, dont les jeunes membres s’intéressent davantage aux coiffures exotiques, aux tenues composées de vêtements extrêmement larges, qui parfois rappellent les kimonos japonais, et à la danse transformée en rituel (la cumbia en version très lente) qu’à la violence et aux drogues. Un jour, ces jeunes se retrouvent pris dans une fusillade provoquée par les membres du cartel local. Ulises, le survivant, fuit à New York, où il mène une vie misérable et regrette la vie tout aussi misérable à Monterrey, auprès de ses copains avec qui il dansait la cumbia. Un film mexicain inattendu avec un héros au charme irrésistible. Magnifique photographie et merveilleuse bande-son. Peut-être un mélange de Los olvidados de Buñuel et de L’Odyssée.”
Little Joe, de Jessica Hausner
“Depuis sa révélation avec Lourdes, la singulière Jessica Hausner réalise ici son meilleur film. Étrange parmi les étranges.”
Never Rarely Sometimes Always, d’Eliza Hittman
“Grâce seulement au long premier plan-séquence qui donne son titre au film, ce dernier mérite de figurer parmi les meilleurs de l’année. Un prodige minimaliste et doux sur deux adolescentes de Pennsylvanie qui se rendent à New York avec ce qu’elles ont sur le dos afin que l’une d’elles puisse avorter. Délicat et totalement dépourvu de rhétorique.”
The Painter and the Thief, de Benjamin Ree
“Un documentaire que l’on regarde comme un film de fiction, l’un des succès du dernier festival de Sundance. Les héros parviennent à interpréter leurs propres rôles avec vérité et un talent rare dans un documentaire. Je suis persuadé qu’on a présenté cette histoire au réalisateur, qu’il en a tiré un scénario et qu’il a demandé aux héros de s’incarner eux-mêmes. L’histoire émouvante d’une amitié amoureuse avec un personnage à l’extrême.”
Nomadland de Chloé Zhao
Contacté par Les Inrockuptibles, le réalisateur a rajouté en exclusivité un chef-d’œuvre qui nous parviendra l’année prochaine : « Après avoir tout perdu, Fern, le personnage interprété par Frances McDormand, n’a plus d’autre choix que d’errer et de se fondre dans chaque paysage que le hasard et le voyage sans fin qu’elle entreprend mettent sur son chemin. Les interprètes non professionnelles sont impressionnantes. Le regard de Frances McDormand est le plus beau paysage de tous, le plus émouvant et le plus profond. Nomadland est le film de l’année.«
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