Alors que les débats sur l’urgence écologique divisent opinions publique et politique, le Victoria and Albert Museum de Londres présente “CARS : Accelerating the Modern World”, une exposition dédiée à l’histoire et à l’impact de l’automobile sur nos sociétés. Le but ? Apprendre des erreurs de notre passé pour mieux envisager le futur.
Metropolis, Star Wars, Blade Runner… On ne compte plus les références à la voiture dans les imaginaires charriés par la science-fiction, montrant des villes futuristes, sillonnées de véhicules volants en tous genres. Ainsi, l’automobile, en tant qu’objet de design, se tient au croisement de l’innovation et du fantasme depuis sa création, il y a quelque 130 ans. Pensée par Brendan Cormier et Lizzie Bisley, l’exposition CARS : Accelerating the modern world présentée au Victoria & Albert Museum de Londres trace un bilan sociologique, politique et artistique, ouvert et non limitatif, de cet engin à quatre roues. Voitures aux lignes rétrofuturistes, publicités vintage, tenues spécialement faites pour conduire, œuvres d’art…. L’automobile y est comprise successivement comme objet de mode, bien de consommation ou symbole de progrès, démontrant ainsi sa place centrale dans notre société.
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L’automobile au cœur des fantasmes
Comme le souligne entre autres l’écrivain spécialiste de design Stephen Bailey, la voiture incarne rapidement, après sa mise sur le marché, l’objet central d’une utopie politique et urbaine. Celle d’une ville d’individus libres, se déplaçant à leur guise dans ces entités individuelles et rapides. Elle devient alors rapidement le centre de fantasmes dépeints – même avant le premier prototype – dans les films et livres de science-fiction.
L’automobile ne peut alors se penser hors de l’idéal politique et économique de la société industrielle, et donc moderne. Sa production transforme tout. L’urbanisme s’adapte à ces engins toujours plus rapides, le design pense l’esthétique de la vitesse, la mode l’englobe elle aussi totalement, la transformant en bien tendance à accorder à des vêtements en vogue – on pense notamment au “manteau d’auto” du couturier Paul Poiret. Le système industriel même évolue avec elle, car rappelons-le, c’est bien la « Ford T » qui marquera le point de départ du modèle de travail fordiste.
Le symbole du progrès
Ainsi, la voiture, toujours plus ergonomique, serait l’incarnation même de la notion philosophique du Progrès, celle d’un monde qui irait toujours vers le meilleur. Mais l’exposition n’entend pas simplement retracer l’impact de cet objet à travers une frise historique un peu simpliste. L’idée, comme nous l’explique l’assistante commissaire Esme Hawes, est “de prendre un temps de réflexion, de faire le point sur ce qui a fait de la voiture ce qu’elle est aujourd’hui, pour mieux envisager la suite”. Il s’agit ici de méditer sur l’état de notre mobilité, et de réfléchir à l’influence de cette course à la vitesse et à l’innovation sur nos sociétés, sur le design au sens large, sur la mode, et, au-delà, sur nos façons de penser et de consommer.
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Pour cela, l’exposition présente un large panel d’objets, dont la forme a été successivement influencée par l’esthétique de la vitesse, puis rapidement rattrapée par l’impératif de sécurité liée à la hausse inévitable d’accidents. On trouve, entre autres, des voitures de collection, des maquettes et peintures, le chapeau cloche de la créatrice Miss Fox tout droit sorti des collections du V & A et même Graham, dernier projet de l’artiste Patricia Piccinini, qui imagine à quoi ressemblerait un humain capable de survivre aux accidents de voiture. L’objet est ainsi envisagé dans son ensemble, le tout analysé via un point de vue critique sur l’impact des crises pétrolières, la transformation de l’agriculture, et même le changement des représentations mentales sur les territoires.
Vers la voiture du futur ?
Mais qu’en est-il aujourd’hui, à l’heure où la jeune génération urbaine semble tourner petit à petit le dos à la voiture, qui apparaît moins comme un symbole de liberté que comme un outil polluant et peu arrangeant dans des villes de plus en plus congestionnées ? La remise en cause de la voiture et de l’utilisation à outrance du pétrole liée à la crise écologique nous pousse en effet à reconsidérer ce symbole de libération.
Comment alors envisager notre mobilité dans le futur ? L’abandon de la voiture serait-il la condition sine qua non à l’instauration d’un système plus efficace et durable ? C’est la question que se posent les curateurs de l’expo, en présentant leur auto du futur. Ce prototype est électrique, partagé, sur demande et donc non possédé, volant – répondant ainsi aux quatre exigences qui feront, selon eux, notre avenir. “La façon de terminer l’exposition était un réel challenge, car on ne voulait pas rester dans un point de vue purement historique, mais ouvrir sur le futur. Nous voulions regarder en arrière, pour mieux voir un futur possible”, nous assure Esme Hawes.
Une ouverture plutôt pro-technologies, semblant répondre à nos plus fous rêves d’enfants… et s’expliquant probablement par le financement de l’exposition par la marque Bosch. A voir maintenant si la voiture a vraiment un avenir, ou si son temps est définitivement révolu, laissant place à des moyens de locomotion plus durables et écologiques.
CARS : Accelerating the modern world, au Victoria & Albert Museum de Londres, jusqu’au 19 avril 2020
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