En décembre, on fera nos adieux au personnage d’Irresponsable, on grimpera sur les planches de stand-up avec Mrs. Maisel, on dézinguera des monstres avec The Witcher et on se replongera dans les relations toxiques de You. Voici les séries à voir au mois de décembre.
Irresponsable saison 3 (à partir du 5 décembre sur OCS Max)
Lorsque Julien, trentenaire paumé, est forcé de retourner vivre chez sa mère suite à des difficultés financières, il recroise par hasard son amour de jeunesse… et son fils de quinze ans, dont il s’avère être le père. Créée par Frédéric Rosset et réalisée par Stephen Cafiero, Irresponsable est une des premières fictions à avoir germé dans le creuset de la section séries télévisées de la Fémis, la prestigieuse école de cinéma parisienne. Plus encore qu’une chronique « adulescente » aux résonances sociologiques, c’est un ébranlement émotionnel profond qu’auscultent avec tendresse les épisodes, dans le sillage de cette paternité tombée du ciel. Soutenue par un amour du burlesque et par l’interprétation aussi drôle qu’attachante de Sébastien Chassagne, la troisième et dernière saison confrontera Julien, désormais en couple avec Marie, à son père et sa sœur ainsi qu’à la volonté d’émancipation de ce rejeton qu’il avait tout juste adopté.
La Fabuleuse Mme Maisel S3 (disponible le 6 décembre sur Amazon Prime Video)
Cela fait maintenant deux ans que les aventures de Midge Maisel, mère au foyer new-yorkaise reconvertie en étoile montante du stand-up, électrisent nos fins d’automnes de leur énergie communicative. En investissant au féminin un sous-genre télévisuel à dominante masculine (de Seinfled à Louie), sa créatrice Amy Sherman-Palladino et son actrice principale Rachel Brosnahan ont réussi à lier la comédie bondissante à un récit d’émancipation, et la reconstitution vintage des 50’s à la mise en lumière, forcément dotée de résonances contemporaines, des conventions d’une époque dans laquelle les corps féminins ne cessent d’être contrôlés et assignés par les hommes. Après avoir dénoué une partie des fils qui entravaient son existence et maîtrisé un grand écart entre ses vies sociales, professionnelle et artistique, Midge et son agente vont se lancer dans leur première tournée internationale au fil d’une saison qui s’annonce encore plus marquée par la comédie musicale que les précédentes.
Work in Progress (à partir du 8 décembre sur Showtime)
Il y a quelques mois, la planète cinéphile s’embrasait à l’annonce d’un Matrix 4, porté par l’essentiel du casting de la trilogie originale et par sa coréalisatrice Lana Washowski. Mais où est donc sa sœur Lilly, officiellement éloignée du projet ? Quelque part dans les arcanes créateurs d’un récit plus intime et d’écrans plus petits. La série Work in Progress, qu’elle a coproduite, embrasse la trajectoire cahotante d’une quarantenaire chicagoane s’identifiant comme grosse et queer et dont le quotidien va être bouleversé par une relation inattendue. Réalisée et interprétée par Abby McEnany, cette chronique sentimentale épousera les angoisses et les désirs de son personnage avec un humour corrosif mais non dénué de tendresse.
https://youtu.be/ai8TD3aFn8M
Platane saison 3 (à partir du 9 décembre sur Canal +)
Sept ans de réflexion, mais pas de Marilyn à l’horizon : plutôt un gros tronc sur lequel se cogner joyeusement la tête. Le tronc, c’est celui d’un platane, arbre star des bords de route et des cours de récré qui a donné son nom à un OVNI de la télévision hexagonale. La tête, c’est celle de son créateur Éric Judor, qui s’est imposé en parallèle de son duo avec Ramzy Bedia comme l’un des artisans d’un humour bizarre et conceptuel à la française, notamment aux côtés de Quentin Dupieux. Les sept ans, c’est le temps qu’il lui a fallu pour imaginer la saison 3 de Platane, sorte d’autofiction perchée qui voyait l’acteur – personnage, émergeant d’un coma (fictif) et entouré de guests (réels), se lancer dans la réalisation d’un film « sérieux » pour concurrencer Ramzy, devenu une star sans lui. Si le contenu des nouveaux épisodes reste pour le moment bien mystérieux, l’acteur annonçait l’an dernier rêver d’embaucher Dwayne Johnson pour interpréter son demi-frère, et s’être arraché les cheveux qu’il n’a pas pour livrer son chef-d’œuvre télévisuel.
Ramy (disponible le 12 décembre sur Starzplay)
Ramy Youssef, trentenaire américano-égyptien et fils d’immigrés palestiniens, se lance dans un voyage spirituel à travers son quartier du New-Jersey, état dortoir pour les classes moyennes et ouvrières travaillant à New York. Alors que ses parents vieillissants commencent à éprouver le mal du pays, le jeune homme traverse une crise existentielle profonde : comment concilier ses aspirations de « millenial » et sa foi musulmane, ses désirs et les préceptes de sa communauté ? Dans le sillage d’Atlanta, Master of None ou Fleabag, Ramy Youssef a piloté et interprété cette série fortement autobiographique qui questionne avec intelligence et sans manichéisme ce que veut dire être musulman dans l’Amérique de 2019 et de Donald Trump, tout en se permettant des glissements et élargissements bienvenus.
The Witcher (disponible le 20 décembre sur Netflix)
On le sait, les adaptations au cinéma de franchises vidéoludiques sont rarement heureuses – il suffit de repenser aux désastreux Prince of Persia et Assassin’s Creed, bouillies indigestes sur dosées en CGI et sous-traitées à la mise en scène, pour s’en convaincre. Trois raisons nous poussent toutefois à accorder à The Witcher le bénéfice du doute, voire à l’attendre avec un soupçon d’impatience. D’abord parce que les jeux vidéo éponymes, et surtout le troisième, constituent l’un des sommets contemporains de l’action-RPG en monde semi-ouvert, tant dans la densité de l’univers qu’ils déploient que dans leur système ludique. Ensuite parce que ces derniers sont adaptés de la série de romans Le Sorceleur d’Andrzej Sapkowski, dont la complexité ambiguë a été récompensée à de nombreuses reprises. Enfin parce que le projet porté par Netflix prend la forme d’une série, dont le format épisodique semble être tout indiqué pour épouser l’architecture répétitive et cloisonnée en missions des jeux vidéo. Rendez-vous le 20 décembre pour savoir si Henry Cavill se révélera convaincant dans l’armure de Gerald, chasseur de monstres mutant aux méthodes expéditives.
Perdus dans l’espace saison 2 (le 24 décembre sur Netflix)
Entre 1965 et 1968, Star Trek s’était dotée d’une concurrente plus familiale créée par Irwin Allen, Perdus dans l’espace. En route pour coloniser Alpha Centauri, les Robinson (ça ne s’invente pas) échouent sur une planète inconnue. Avec l’aide d’autres rescapés du crash, ils tentent de survivre en milieu hostile. Dotée de moyens confortables, sa relecture contemporaine pilotée par Netflix, bien que relativement inoffensive sur le fond, nous avait charmés par sa direction artistique soignée. Tout en s’inscrivant dans un mouvement de renouveau du récit d’exploration spatiale, la série parvenait à éprouver la cohésion de ses personnages via des glissements de pure terreur. Après être parvenus à échapper au robot fou qui les pourchassait et à quitter la planète qui les retenait prisonniers, les Robinson débarquaient par erreur dans un système habité par une forme de vie intelligente, probablement à l’origine de leurs mésaventures précédentes… Espérons que la saison 2, moins portée vers le survival et plus ouverte aux expérimentations narratives, réussira à détacher la ceinture de sécurité qui entravait un peu cette odyssée spatiale.
You saison 2 (le 26 décembre sur Netflix)
L’an dernier, la première saison de You avait à la fois charmé et divisé la planète séries en mettant en scène la relation toxique entre Beck, étudiante en littérature et aspirante écrivaine, et Joe, gérant d’une librairie new-yorkaise et psychopathe obsessionnel. Déclinaison intrigante des clichés de la love story classique en vue d’en révéler l’envers potentiellement abusif, ou fascination dérangeante pour un personnage profondément malsain ? Malgré un glissement bienvenu du point de vue de Joe vers celui de Beck, la série s’était suspendue sur un retournement cynique. On espère que cette seconde saison, marquée par l’apparition vengeresse de Candace, l’ex de Joe, et peut-être des fantômes de ses précédentes victimes, cessera d’inventer des excuses à son personnage ou de culpabiliser ses proies pour questionner son sujet profond : les dangers des relations à sens unique.
Alexandre Büyükodabas