La grande écrivaine Annie Ernaux était invitée dans la matinale de France Inter, ce 28 novembre. Sur de nombreux thèmes de société, sa parole forte est un repère à ne pas perdre de vue.
C’est l’interview du jour. Il ne faut pas hésiter à la réécouter (grâce au player ci-dessous) si vous n’avez pas pu le faire en temps réel. Annie Ernaux était l’invitée de la matinale sur France Inter ce 28 novembre. L’écrivaine a répondu aux questions de Léa Salamé avec une force de conviction intacte, qui rend sa parole toujours plus précieuse. A propos du mouvement MeToo, et des luttes des femmes pour leurs droits et contre les violences sexistes, elle déclare ainsi : “Je n’ai jamais perçu une telle détermination mondiale de la part des femmes depuis les années 70.”
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“Une déflagration que je n’attendais plus”
Elle se félicite même que cette nouvelle vague féministe contredise un présage pessimiste qu’elle avait fait dans son journal : “J’avais écrit dans mon journal : ‘Je crois que je mourrais sans avoir vu la révolution des femmes’, donc #MeToo a été pour moi comme une grande lumière, une déflagration que je n’attendais plus”. Elle a regretté les réactions “désolantes” de femmes célèbres à ce sujet, des “privilégiées qui ne connaissent pas la réalité des rapports entre les hommes et les femmes”.
A plusieurs reprises dans cette interview, Annie Ernaux a refusé d’admettre le moindre “excès” dans le mouvement féministe, comme dans celui des Gilets jaunes.
Interrogée à ce sujet par Léa Salamé, qui lui demande s’il n’y a pas eu “des excès sur les réseaux sociaux” au moment de #BalanceTonPorc, elle répond ainsi, implacable : “Je n’aime pas le mot excès, il est toujours prononcé lorsque les dominés demandent des droits.” Elle ajoute : “Je ne veux même pas parler de ça. Je vais mettre ça en relation avec les Gilets jaunes. Quand il y a un mouvement de révolte, oui, la contention qu’on a subie fait qu’on crie plus fort, et quelques fois peut-être à tort”.
Des excès dans le mouvement #MeeToo ? "Je n'aime pas le mot excès, il est toujours prononcé lorsque les dominés demandent des droits." 🔥🔥🔥
— Dan Israel (@dan_mdpt) November 28, 2019
“Quand on accepte les honneurs, c’est au fond qu’on n’espère plus trop”
L’autrice des Années, La Place ou encore La Honte, affirme aussi qu’elle n’ira pas voir le film de Roman Polanski, à cause de sa “dénégation” de violences faites à Samantha Geimer. Ne va-t-on pas “trop loin quand on dit qu’il ne faut pas aller voir les films de Polanski”, demande Léa Salamé. Réponse amusée, et invariable : “C’est toujours cette idée d’aller trop loin ! Il faut d’abord y aller ! Et on n’y est pas !”
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“Vous êtes toujours révolutionnaire ?”, lui demande ensuite Léa Salamé. “Je crois, j’espère”, lui répond Annie Ernaux. Quand la journaliste lui demande si l’Académie française l’intéresse, elle éclate presque de rire : “Oh non ! En aucune façon”. Léa Salamé, attristée, lui demande alors pourquoi : “C’est une très vieille institution de conservation. […] Quand on accepte les honneurs, c’est au fond qu’on n’espère plus trop dans son écriture, dans son action par les mots. On siège”. Sublime.
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