Du documentaire “Basic Instinct : Sex, Death & Stone”, on retient surtout le témoignage poignant de Sharon Stone, qui pointe les ambiguïtés de la portée féministe du thriller de Paul Verhoeven.
Produite par le magazine français Rockyrama et la chaîne TCM Cinéma, cette plongée dans l’archéologie de Basic Instinct (1992) offre un éclairage inédit sur le chef-d’œuvre de Verhoeven, première réalisation américaine dans laquelle il put déployer l’érotisme caractéristique de ses films néerlandais. De facture classique, elle privilégie les témoignages (de Sharon Stone, Michael Douglas et Paul Verhoeven, ainsi que des principaux chefs de poste) à l’analyse et propose une lecture linéaire de la fabrication de ce thriller sensuel, de la genèse de son scénario à sa sortie.
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Son sous-titre espiègle (“les dessous d’un film culte”) l’indique, le documentaire s’attarde particulièrement sur la scène qui fit scandale, celle où Sharon Stone dévoile son entrejambe, la seule scène ajoutée au scénario original de Joe Eszterhas par le cinéaste. Dans un film de grand studio, jamais un sexe de femme n’avait été filmé de cette façon, furtive mais frontale. On le savait déjà, ce dévoilement n’était pas consenti. Verhoeven aurait demandé à Sharon Stone d’enlever son sous-vêtement en prétextant qu’il se voyait à l’image et que la cohérence narrative exigeait qu’elle n’en porte pas.
“Ce plan va faire de toi une star”
Ce n’est que lors de la première projection équipe du film que l’actrice découvre ce plan volé. Indignée, elle explique s’être sentie trahie, non pas par la présence de son sexe à l’image, mais par le fait que Verhoeven ne lui en ait jamais parlé avant, brisant ainsi leur confiance mutuelle. Elle lui aurait demandé d’enlever la scène avant que le monteur ne lui dise cette phrase odieuse, “ce plan va faire de toi une star”. A partir de là, le documentaire devient plus un film sur Sharon Stone que sur Basic Instinct, de la même façon que Basic Instinct est plus un film sur Catherine Tramell, l’héroïne diabolique du film, que sur le flic incarné par Michael Douglas.
S’il lui offre un espace où déployer une parole sur les conséquences que cette scène et ce film ont eues sur sa vie, tant privée que professionnelle, on aurait aimé que Paul Verhoeven soit confronté à cet acte de trahison envers son actrice.
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Le parti pris politique du documentaire est de mettre en lumière le paradoxe propre à Basic Instinct, c’est-à-dire un film considéré par certain·es (notamment la critique américaine Camille Paglia) comme féministe de par la puissance et l’intelligence qu’il confère à son héroïne pansexuelle, mais un film dont l’image la plus saillante a été obtenue par violation de son actrice principale et un film dont la réception et les effets qu’il a eus sur la carrière de la même actrice relèvent selon elle d’une société misogyne, ne pardonnant pas à Catherine Tramell/Sharon Stone son appropriation d’un symbole phallique (le pic à glace) jusque-là réservé aux hommes.
Basic Instinct : Sex, Death & Stone de Jacinto Carvalho (Fr., 2020, 52 min). En replay jusqu’au 31 décembre sur TCM Cinéma
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