Le metteur en scène reprend avec talent le célèbre roman d’apprentissage d’Hector Malot.
Jonathan Capdevielle aime la liberté et toutes ses créations en dégagent le parfum parfois âpre, toujours fou. Après Bernanos dont il avait adapté le roman policier Un Crime, le metteur en scène emprunte un tout autre chemin de traverse en s’inspirant du roman d’Hector Malot, Sans Famille, et crée une nouvelle fresque épique et ludique.
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Rémi, trouvé abandonné dans les quartiers chics de Paris, sera élevé à la campagne par une famille modeste qui, ne pouvant plus subvenir à ses besoins, le vendra à Vitalis, un artiste de grand chemin auprès duquel, accompagné du fidèle chien Capi et du petit singe Joli-Cœur, l’enfant fera le bel et douloureux apprentissage de la vie. “J’étais trop heureux, cela ne pouvait pas durer”, répète singulièrement Rémi tout au long du récit, comme si la vie ne pouvait être vécue joyeusement qu’en trébuchant.
Clins d’œil à l’actualité
Il croit que sa famille est la vraie et apprend brutalement, à huit ans, qu’il a été adopté. Son histoire se nourrit de l’idée de l’arrachement nécessaire afin de s’inventer une vie de voyage et de rencontres, et de se construire hors et loin du foyer. Sur les routes du Sud-Ouest, il fera de belles rencontres, d’autres plus périlleuses ; il vivra un temps sur un bateau alors que Vitalis est en prison à Toulouse, accompagnant une dame anglaise très chic (très drôle aussi !) et son fils malade auquel il redonnera le goût de la vie sans savoir quels sont les véritables liens qui les unissent…
Capdevielle réussit le tour de force d’être sincèrement fidèle à l’œuvre de Malot tout en ne lâchant rien de son propre univers
Dans cette création en deux parties – un spectacle et une fiction audio à écouter chez soi ensuite –, Jonathan Capdevielle réussit le tour de force d’être sincèrement fidèle à l’œuvre de Malot tout en ne lâchant rien de son propre univers. Il trimballe ce vaste roman d’apprentissage sur les routes d’aujourd’hui, s’adressant autant aux enfants qu’aux adultes, ponctuant de clins d’œil espiègles à l’actualité une tragédie de toute éternité.
Des comédiens très convaincants
Outre Rémi et Vitalis, la myriade de personnages convoqués sont traités sous forme de masques et/ou de costumes extravagants, très beaux, confectionnés par Etienne Bideau-Rey et Colombe Lauriot Prévost. Jouant ainsi de réalités déformées, flirtant avec le fantastique, avec une attention toute particulière pour l’environnement sonore, Jonathan Capdevielle compose une magistrale immersion au cœur de l’œuvre de Malot.
Dimitri Doré, que l’on avait découvert exceptionnel dans le précédent spectacle de Jonathan Capdevielle, confirme l’essai dans le rôle de Rémi et bouleverse par sa justesse. Jonathan Drillet et Michèle Gurtner prennent en charge autour de lui toute la vie, interprétant une multitude de personnages plus dingues les uns que les autres, avec un art consommé de la sottise. Quant à Babacar M’Baye Fall en Vitalis tendre et éclairé, il rayonne d’humanité.
Sans contrefaçon et avec l’idiotie lucide qui le caractérise, Jonathan Capdevielle fait de cet apprentissage une impressionnante leçon d’imagination.
Rémi Adaptation et mise en scène Jonathan Capdevielle. Dans le cadre du Festival d’Automne, du 23 au 30 novembre au théâtre Nanterre-Amandiers. Du 4 au 12 décembre au Théâtre Garonne, Toulouse. Le 15 décembre au théâtre Paul Eluard, Choisy-Le-Roi. Les 10 et 11 janvier à La Ferme du Buisson, Marne-la-Vallée.
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