Le peintre et graveur rend hommage à « Headbangers Ball », l’émission culte d’MTV, dans une exposition apocalyptique où les grands maîtres côtoient la metal.
Que trouve-t-on dans le cortex d’un peintre ? Des chimères, des rémanences de grands maîtres ainsi que l’inévitable dose de pop culture qui s’infiltre dans tous les interstices. Au musée d’Art moderne et contemporain (MAMC) de Saint-Etienne, Damien Deroubaix propose un dépliage de l’imaginaire du peintre, et du sien par la même occasion.
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Le cœur de l’exposition Headbangers Ball est composé d’une série de têtes qu’il a réalisées récemment : les Painters. Ce sont des toiles mêlant huile et collage, et chacune d’entre elles décline le même faciès hiératique, fétiche d’une civilisation oubliée encore chargée d’une menace sourde. La tête est représentée posée sur un plan, à la manière d’une nature morte. Sa bouche zippée telle une fermeture Eclair dessine un rictus dentu.
La peinture n’est pas bavarde, elle est intellectuelle avant tout. Elle ne se fait pas avec la main, ou pas principalement, mais avec l’esprit. Car tout se joue plus haut, sous la boîte crânienne, ou plutôt sur elle, au sommet du crâne où le contenu s’étale sur le contenant.
Les images mentales des fétiches-peintres de Damien Deroubaix, situées juste au-dessus des yeux, sont alors visibles de tous. Un premier crâne s’est vu affublé d’une botte d’asperges, en référence à la fameuse toile de Manet. Plus loin, un tigre s’est échappé d’une composition de Delacroix. Et puis il y a ce cheval, qui ne laisse aucun doute : Picasso.
Remix
La figure est récurrente chez Damien Deroubaix qui se plaît à raconter comment à 19 ans la découverte de Guernica ne lui laisse d’autres choix que de devenir artiste. Pour autant, l’univers de l’artiste stéphanois ne procède pas uniquement de la filiation ou du remix. Il serait plus juste de parler d’une collision, dont les fragments constitueraient alors les œuvres : l’impact entre la tradition de la peinture classique et l’univers de la musique metal.
A Saint-Etienne, l’accent est placé sous ce signe, forcément tumultueux, éruptif, d’un romantisme dark et pastoral. Parmi les toiles représentant les têtes s’est également glissée une peinture portant l’intitulé “Slayer”, nom d’un célèbre groupe de death metal américain dont l’artiste a repris le lettrage. Et surtout, une grande toile portant en son cœur le titre de l’exposition : Headbangers Ball.
Les références de l’artiste sont explicitées dans la première salle, non plus au niveau de l’image mais cette fois dans l’espace. Une télévision diffuse des vidéos de l’émission musicale éponyme diffusée sur MTV de 1987 à 1995 et consacrée au heavy metal.
Danse macabre
Aux murs et dans des vitrines, une série d’esquisses côtoient des coupures de presse françaises ou allemandes – l’artiste fut en effet un temps basé à Berlin. En vrac : détournement de drapeau de Daech des bas-fonds d’internet, dessin de presse de Libération, natures mortes de fleurs du XVIIIe siècle issues d’un journal allemand ou danse macabre médiévale.
Enfant du pays, diplômé des beaux-arts de Saint-Etienne et acteur de la scène locale stéphanoise – il fonde à la sortie de l’école Le (9) Bis – un ancien atelier de Saint-Etienne reconverti en lieu d’exposition – Damien Deroubaix sème au vent les ferments d’apocalypse qui se chargent, avec cette exposition, d’intentions d’une épaisseur contextuelle retrouvée.
Headbangers Ball Jusqu’au 24 février, musée d’Art moderne et contemporain de Saint-Etienne Métropole
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