L’exposition collective « Who Cares » entreprend via le thème du “care” une archéologie affective de la galerie placée sous le signe de la microcommunauté.
Pour “Who Cares”, la galeriste Marion Dana a d’abord demandé aux artistes de lui proposer des pièces sur le thème du “care”. La plupart se sont emparés de l’invitation comme ils l’auraient fait pour n’importe quel autre group show. L’éthique du “care”, concept très en vogue (la Ferme du Buisson, en Seine-et-Marne, y consacrera sa prochaine exposition), désigne le souci, l’attention et le soin apportés aux autres.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Anna Solal présente une nouvelle série autour des soins cosmétiques (et la tyrannie de l’apparence afférente), Rasmus Myrup recolle une à une de fausses feuilles à un tronc tristement dégarni et Miao Ying répare le réel irréversiblement pollué à coups de filtres photo qui font paraître azur des ciels jaunis de pollution. Le rôle de l’anti- “care” est, quant à lui, tenu par l’éternel antéchrist Darja Bajagic, dont les portraits d’enfants disparus révèlent la part de fascination qui souvent se mêle à la sollicitude pour les victimes de crimes violents. Très vite cependant, l’exposition organisée à la New Galerie et à SometimeStudio (Paris IIIe) bascule dans tout autre chose qu’une exhibition thématique.
Les partis pris radicaux de la New Galerie
Parmi la vingtaine d’artistes, il devient de plus en plus difficile de tous les raccrocher au thème, quelles que soient les acrobaties mentales auxquelles on se livre. Pour Marion Dana, codirectrice avec Corentin Hamel de la New Galerie, Who Cares est en effet surtout l’occasion de se projeter dans son métier de galeriste. Il a été répété jusqu’à saturation que l’étymologie de “curateur” désignait originellement le soin apporté à leurs ouailles-artistes.
Mais alors que la culture du projet envoie ceux-ci aux quatre coins du monde, leur accompagnement sur le long terme des artistes en pâtit. Soumise aux mêmes impératifs mais néanmoins ancrée dans un lieu, impliquée par la force des choses dans la gestion courante, la galerie, du moins celle à taille humaine, peut alors revendiquer un rôle qui semblerait lui revenir de fait.
Fondée en 2008 et implantée dans le Haut-Marais, la New Galerie s’est distinguée par l’accompagnement de jeunes artistes, souvent internationaux, et par la radicalité de ses partis pris. Who Cares propose une archéologie affective des communautés qui gravitent autour d’elle ainsi qu’une cartographie des rencontres qu’elle a pu susciter.
Comme figure tutélaire plane sur l’exposition l’ombre d’une autre galerie parisienne. A SometimeStudio flotte ainsi à nouveau la paire de rideaux bleus qui, en 1991, ornait la façade du 7, rue Debelleyme, à quelques rues de là. Ceux-ci, une œuvre de Félix González-Torres, signalaient l’emplacement de la première galerie de Jennifer Flay – l’actuelle directrice de la Fiac. L’histoire d’amitié de la galeriste et de l’immense artiste américain se décline à travers les deux espaces de Who Cares : ici, un polaroïd les montrant tous les deux lors d’une fête ; là, les chaises d’enfance de l’artiste que la galeriste gardera en souvenir de sa mort prématurée en 1996. Avec également l’inclusion d’œuvres de David Wojnarowicz ou de Group Material, les années 1990 font le pont avec les années 2010, deux périodes où les communautés micro-utopiques choisies compensent un tant soit peu le durcissement idéologique ambiant subi.
Who Cares Jusqu’au 30 mars, New Galerie, et jusqu’au 16 février, SometimeStudio, Paris IIIe
{"type":"Banniere-Basse"}