Malgré son énergie burlesque, cette adaptation d’un manga et d’une série animée cultes des années 90 par la bande de « Babysitting » et d' »Alibi.com » s’enlise dans un humour sexiste et ringard. (Spoilers)
Cet article comporte des révélations sur le film Nicky Larson et le Parfum de Cupidon.
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Dès son annonce en 2017, l’adaptation de Nicky Larson (City Hunter) par Philippe Lacheau, fan de la première heure qui en interprète également le rôle-titre, avait suscité un certain nombre d’inquiétudes. L’humour potache et régressif de Babysitting et d’Alibi.com était-il soluble avec les enquêtes policières rocambolesques du détective privé japonais diffusées en France dans l’émission du Club Dorothée ? Plus largement, les trentenaires nostalgiques d’Hélène et les garçons et de Salut les musclés ont-il le même sens de l’humour que la génération Youtube qui constitue le public habituel de la bande ?
Du héros japonais au grand écran français
Faisons le point sur les forces en présence. City Hunter, manga en 37 numéros créée par Tsukasa Hōjō à la fin des années 80, suit les aventures de Nicky Larson (Ryo Saeba en VO), détective privé expert en armes à feu comme en combat à mains nues et clairement obsédé sexuel. Rattachée aux genre du shōnen (publications ciblant principalement les jeunes garçons), la série a connu une adaptation télévisuelle en 144 épisodes, diffusée en France à partir de 1990 dans une version édulcorée.
Venus de la télé, Philippe Lacheau et ses comparses ont depuis quelques années investi les salles obscures avec des comédies extrêmement lucratives dont le ton se situe quelque part entre les films de Claude Zidi, l’humour du Spendid et un trash à l’américaine façon Jackass ou Very Bad Trip.
Dans ce Nicky Larson version 2019, le détective et sa collègue Laura (Élodie Fontan) tentent de récupérer le Parfum de Cupidon, une fragrance censée rendre irrésistible quiconque s’en vaporise le corps et qui a été volée à leur client (Didier Bourdon). L’enquête les mène jusqu’à Monaco et leur fait croiser une troupe de tueurs à gages partageant le même objectif.
Une adaptation lente à démarrer
La première demi-heure, alternant gags de BD franco-belge ratés et empoignades brouillonnes, desservie par des dialogues prévisibles et une esthétique de téléfilm bas de gamme, est assez pénible. La rencontre entre l’humour visuel de l’anime et l’esprit vaudevillesque des sitcom 90’s d’AB Productions ne prend pas, et ni la multiplication insistante de clins d’oeil générationnels, ni le défilé de caméos gênants (de Gérard Jugnot à Pamela Anderson en passant par la vraie Dorothée) ne parviennent à électriser l’ensemble.
Il faut attendre la seconde partie du film pour que se déploie un sens du burlesque plus maîtrisé, influencé tout autant par les frères Farrelly (une improbable course-poursuite en voiture et en lit king size) que par une certaine frange contemporaine du blockbuster d’action sur-vitaminé (les scènes de combat truffées de coquetteries formelles façon Kingsman ou Deadpool).
Vulgarité macho et relents homophobes
L’horizon comique du film, qui repose essentiellement sur le penchant irrépressible du personnage pour les femmes, se révèle toutefois plus gênant que sa fragilité formelle. Chaque situation se résout en un gag vulgaire mille fois rebattu, chaque vanne est infusée de relents sexistes périmés. On pourrait rétorquer, à juste titre, qu’une misogynie profonde imprégnait déjà le matériaux d’origine, mais le recul historique ainsi que l’évolution des consciences auraient pu induire un déplacement du regard sur cette composante.
Plus dérangeant encore est le rapport du film à l’homosexualité (supposée ou refoulée) de ses personnages, envisagée uniquement comme un élément répulsif dont il faudrait trouver (littéralement) l’antidote, et sa représentation stéréotypée – une femme aux cheveux courts habillée « à la garçonne » est forcément lesbienne. Malgré leur énergie débordante, les gesticulations cartoonesque des actrices et acteurs et leurs simagrées outrées ne parviennent pas à dissimuler cet arrière-plan vaseux.
Nicky Larson et le Parfum de Cupidon de Philippe Lacheau (France, 1h32, 2019) avec Philippe Lacheau, Élodie Fontan, Didier Bourdon… Actuellement en salles.
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