Dans sa case “La Lucarne”, dédiée au documentaire expérimental, Arte propose une programmation nocturne “No Limits”, trois lundis de suite. A chaque séance, un inédit suivi de deux rediffusions. Trois exemples emblématiques piochés dans une sélection de neuf films.
Dans Headshot – Roulette russe (2019), Lola Quivoron et Antonia Buresi suivent quelques jeunes Européen·nes (Belges, Espagnol·es, Français·es, mais aussi un émigrant africain en Italie) lors des répétitions de la performance Gâchette du bonheur, qui leur met en main un revolver jouet dont la détonation aléatoire va libérer une poudre colorée mais surtout une question à laquelle il·elles essaient de répondre sans jamais la divulguer. Notre cœur bat pour une jeune trans espagnole qui raconte crûment ce qu’elle endure.
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Notre cœur saigne pour l’adolescent africain qui documente son périple vers une terre promise qui ne répondra pas à ses grandes espérances.
Dernière chance avant la prison
Punks (2019), de la Néerlandaise Maasja Ooms, est un cran au-dessus. Pendant plusieurs mois, elle s’est installée dans une ancienne ferme française où ont été regroupés quatre jeunes délinquants néerlandais sous la direction d’une éducatrice. Dernière chance avant la prison. Par gestes et mouvements plus que par des mots, chaque garçon développe sa singularité chaotique. Et l’éducatrice, qu’on aurait une tendance instinctive à prendre en grippe, gagne peu à peu leur confiance et notre affection.
Lorsque rôde la sexualité, exacerbée par l’arrivée d’une fille dans le groupe, elle demande sans pincettes à l’un des jeunes: “Les autres garçons disent qu’elle t’a sucé ?” L’adolescent hésite, sourit, ne répond pas. La loi du silence et le droit au mensonge comme protocoles de vérité. C’est la déontologie ambiante : filmer ces “punks” non pas pour ce qu’ils ont fait (dont on ne saura rien), mais du point de vue de ce qu’ils pourraient devenir, par-delà le bien et le mal.
“Est-ce qu’il est encore possible de faire des images, aujourd’hui, en Allemagne ?”
Enfin et sommet, Une jeunesse allemande (2015), de Jean-Gabriel Périot, déjà diffusé sur Arte à l’été 2018 mais qu’on peut revoir ou découvrir, tel un parangon du documentaire sans commentaire mais pas sans points de vue.
S’y dessine le destin de quelques membres de la Rote Armee Fraktion (RAF) avant leurs dérives terroristes, tous·tes ou presque venu·es du journalisme (Ulrike Meinhof,) et surtout de l’école de cinéma de Berlin (Holger Meins, Andreas Baader). De quoi donner résonance et consistance à la question faussement énigmatique posée par Godard au début du récit: “Est-ce qu’il est encore possible de faire des images, aujourd’hui, en Allemagne ?”
Les Nuits de La Lucarne – No Limits les 7, 14 et 21 décembre à partir de minuit sur Arte et sur arte.tv
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