Une passion homosexuelle filmée comme une descente aux enfers.
Adolescent au milieu des années 80, on guettait fébrilement la diffusion de ce film à la télé. Et on le regardait en cachette, religieusement, comptant sur lui pour faire la lumière sur les zones troubles d’un désir qui n’osait encore s’avouer homosexuel. A sa sortie, quelques années plus tôt, L’Homme blessé avait en effet été médiatisé autour de l’image d’un violent baiser entre Jean-Hugues Anglade et Vittorio Mezzogiorno, et sur le folklore « à la Jean Genet » des amours souterraines : halls de gare, pissotières, boîtes interlopes…
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En le revoyant aujourd’hui, on constate que l’homosexualité n’est ici qu’un contexte, un climat, un décor. Chéreau filme d’abord la passion dans son universalité et dans tous les sens du terme, y compris christique. L’Homme blessé est surtout un récit d’initiation qui verra un adolescent entravé par le mal de vivre se libérer : au début du film, Anglade ouvre la fenêtre de l’appartement petit-bourgeois de ses parents dans lequel il étouffe, et dit « Il faut que je sorte » comme on dirait « Il faut que je m’en sorte. »
C’est également un film sur la représentation du désir : la fellation que prodigue Mezzogiorno à Anglade pour le compte de Roland Bertin, le médecin en mal d’émotions fortes, est filmée de manière à ce que le spectateur comprenne qu’il s’agit d’une simulation. Chéreau vient du théâtre et n’a pas peur de réaliser un film théâtral. D’ailleurs, Jean-Hugues Anglade la révélation du film avait 27 ans lorsqu’il tourna ce rôle d’ado, mais la caméra de Chéreau sait filmer son visage catatonique et son corps blême de façon à ce qu’il incarne définitivement le mal de vivre de l’adolescence.
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