Nouvelle création du studio français The Game Bakers, Haven propose un jeu-cocon aux airs de comédie romantique qui nous invite à explorer sereinement un monde de SF. Idéal pour une envie de fugue.
Dans certaines de ses aventures, Mario s’endort si, ayant posé la manette, on reste trop longtemps sans le diriger. Sonic, lui, montre son impatience en tapant le sol du pied. Yu et Kay sont moins pressé·es : lorsqu’on les laisse tranquilles, ils se rapprochent l’un de l’autre, penchent la tête et s’embrassent tendrement.
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Yu et Kay sont les deux héros·oïnes de Haven, un garçon et une fille ayant dû fuir leur monde pour aller vivre leur amour sur une planète inconnue. Au fil du temps, on en apprendra davantage sur leur histoire, mais pour l’heure, tout paraît simple et neuf. On mange quand on a faim, on se parle et on rit énormément, on regarde autour de soi, on fait l’amour souvent. Et on file à une vitesse folle au-dessus du sol en se tenant par la main dès qu’on trouve une “onde” bleue pour nous porter.
Rien ne semble pouvoir arrêter ces amants nouveaux de la nuit et du jour aussi, qui naviguent d’un îlot flottant à un autre pour essayer de trouver de quoi réparer leur “nid” – la capsule spatiale abritant leur intérieur cosy dans laquelle il·elles dorment, se douchent ensemble ou séparément, bricolent, cuisinent.
Un jeu que l’on parcourt à son rythme et dans lequel les discussions, taquines ou profondes, tiennent autant de place que l’action
Haven a de quoi surprendre ceux et celles qui ont fréquenté Furi, l’excellente production précédente du studio montpelliérain The Game Bakers. “Si on avait écouté les joueurs, on aurait fait Furi 2, assure Emeric Thoa, son directeur créatif. Mais je pense qu’en tant que développeur indépendant, on a le devoir de surprendre.”
Autant Furi, pensé comme une succession d’affrontements contre de redoutables adversaires, pouvait se montrer sévère (mais juste), autant Haven se révèle doux et accueillant. C’est un jeu que l’on parcourt à son rythme et dans lequel les discussions, taquines ou profondes, tiennent autant de place que l’action qui, elle-même, ne s’accompagne d’aucune obligation de résultat.
“Il y a quatre ans, j’ai écrit un petit texte, très brut, qui décrivait les intentions du jeu en termes d’émotions, se souvient ce ‘grand fan de comédie romantique’ qu’est Emeric Thoa. Parler de l’intimité du couple était primordial. Des éditeurs à qui on a présenté le jeu ne comprenaient pas. Ils disaient : ‘Mais pourquoi vous ne parlez pas d’un couple qui tombe amoureux, ce serait plus excitant ?’ Ils sont complètement passés à côté de ce qui fait l’unicité du jeu : parler de l’intimité d’un couple de longue date, qui n’existe que lorsqu’on a dépassé le flirt initial. Une fois cette intention ancrée, il s’agissait de construire le gameplay autour de ça.”
Une bonne dose de balade, des dialogues interactifs, un peu de simulation de vie et même des combats
Ledit gameplay tient du mélange des genres : une bonne dose de balade façon Journey, des dialogues interactifs comme dans les visual novels ou les jeux de rôle japonais – Persona est une influence assumée –, un peu de simulation de vie et même des combats au tour par tour. Dont l’enjeu, néanmoins, ne sera pas de vaincre des monstres mais de les “pacifier”. De les apaiser.
Malgré ces ingrédients familiers, le goût de Haven est unique. Et pas seulement parce que les couples de jeu vidéo n’ont pas pour habitude d’évoquer, par exemple, les draps du lit qui collent après un câlin. “Il y a une complexité que je n’attendais pas : la classification par âge, reconnaît Thoa. Le jeu est déconseillé aux moins de 18 ans simplement parce qu’il parle d’amour de façon simple et bienveillante. Le sexe est un tel tabou qu’un couple évoquant ses ébats de manière ludique et saine est plus ‘choquant’ que, par exemple, un personnage de jeune fille au design racoleur équipée de ses meilleurs sous-vêtements pour partir à l’aventure.”
Aussi ouvert que lumineux et porté par une bande-son synthwave idéale du musicien electro Danger, Haven apparaît aussi, huit mois après Animal Crossing: New Horizon, qui fut le jeu réconfortant quasi officiel du confinement, comme une excellente manière de clore 2020 ludiquement. Par une fugue gracieuse, une libération amoureuse, un élan aérien. Par l’utopie.
Haven (The Game Bakers), sur PS5, Xbox One, Xbox Series S/X et Windows. A paraître sur Switch et PS4
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