Face au régime taliban, la résistance par l’art et la culture d’une bande de jeunes Afghans qui restaurent un cinéma.
Une troupe d’étudiants afghans décident de rénover le plus grand cinéma du pays, laissé à l’abandon depuis les années 1990, afin d’en faire un centre culturel et de lutter ainsi contre l’obscurantisme religieux qui gagne chaque jour du terrain. Cette scène culturelle afghane, Louis Meunier la connaît bien. Le Français a passé dix ans en Afghanistan. Jusque-là auteur d’une demi-douzaine de documentaires, il réalise avec ce film sa première fiction. A grand renfort de coups de peinture, de sauvetages de bobines encore valides et de déblayages de celles qui jonchent le sol, c’est tout un symbole qu’ils ramènent à la vie, celui d’un pays riche de sa liberté d’expression.
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Cette fiction contenant en son sein un faux documentaire se dédouble en convoquant deux hors-champs du film, l’un qui regarde vers l’histoire du cinéma afghan et l’autre vers l’actualité du pays. Les étapes de cette rénovation sont à la fois trouées d’intrigues et de codes esthétiques propres aux comédies sentimentales afghanes des années 1970-1980 (jeu outré, langage cinématographique simplifié, musique omniprésente, mariage forcé, drame amoureux, affaire d’enlèvement et séquences d’action bricolées…) mais aussi de faits d’actualité brûlants (attentat contre un bar, durcissement de la doctrine religieuse). En plus de ces mises en abyme permanentes entre fiction et réalité, Kabullywood est aussi un film d’intervention. L’objectif qui tend sa fiction est le même que celui qui anime son équipe de tournage. Car le budget alloué au long métrage sert bien à construire un véritable centre culturel dans ce cinéma en ruine, que squatte depuis trente ans un projectionniste (seul acteur à jouer son propre rôle), dernier gardien d’un temple en ruine.
Selon la formule consacrée, la réalité rattrape la fiction puisque l’équipe de Kabullywood a été, comme celle de la fiction, menacée de mort et victime d’un attentat. La belle idée du film, et son immense courage, est d’opposer au terrorisme un désir de fiction, de démontrer que, dans un pays menacé par l’obscurantisme, le simple fait de vouloir raconter une histoire, et de ressusciter son histoire est déjà un acte politique.
Kabullywood de Louis Meunier (Afg., Fr., 2017, 1 h 24)
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