Le meilleur des expositions d’art contemporain dans toute la France en février 2019.
La culture club s’exhibe
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
L’an passé à la même époque, le Confort Moderne à Poitiers inaugurait ses nouveaux espaces avec l’exposition Tainted Love. Soit une grosse vingtaine d’artistes ou de collectifs d’artistes réunis sous les auspices du hit cœur guimauve de Soft Cell. A vrai dire, le titre servait alors surtout de prétexte à l’ombre duquel abriter les familles d’artistes proches du lieu. Une manière, expliquait alors le commissaire, de se dédouaner des conventions de l’exposition historique ou thématique. Et de s’autoriser à la place une navigation plus sensible qui remonterait le courant des relations affectives tissées entre les artistes et leur impact sur les différentes stratégies d’apparition – de formes plastiques autant que de formes de vies.
A la Villa Arson à Nice, Tainted Love revient avec version augmentée hors les murs. On y retrouve les mêmes artistes que lors de la première édition (dont Rita Ackermann ; Fabienne Audéoud ; Célia Hempton ; Betty Tompkins), rejoints dans leur épopée sudiste par une bande de nouveaux venus qui portent à une cinquantaine la liste d’artistes (Norbert Bisky ; Nina Beier ; Liz Craft ; Tarik Kiswanson). Changement de maison oblige, la seconde version délaisse l’exercice de généalogie affective et s’ouvre plus frontalement à la rumeur nocturne contenue en son titre. La club-culture y est assumée comme le véritable cœur l’exposition. Elle s’y déploie saisie dans ses interactions plus ou moins frontales avec le monde de l’art, mais surtout comme le symptôme d’un processus plus large : la dissolution des récits autorisés dans le miel de la pop-culture, vecteur collant et sucré de la déhiérarchisation tant des références que des corps.
• Tainted Love (Club Edit), du 8 février au 26 mai à la Villa Arson à Nice
Je sors ce soir (à Montpellier)
En 1997, Guillaume Dustan publie son roman le plus fort, celui qui marquera le plus les consciences : Je sors ce soir. Un court brûlot qui raconte « sept heures en cent pages » : sept heures dans un club gay parisien, cent pages passées pouls à pouls, pas à pas, pupilles dilatées dans pupilles dilatées avec le narrateur. La même année que la parution de ce récit « autopornographique« , une poignée d’étudiants des Beaux-Arts de Paris décident de s’unir pour défier le statu quo. Leur but ? Proposer un format d’exposition pensé par des artistes pour des artistes. Le lieu d’exposition Glassbox était né. Vingt-deux ans après, Glassbox officie depuis le 4 rue Moret à Paris et s’apprête à investir un second espace à Montpellier.
Confiée à Tony Regazzoni, l’exposition inaugurale emprunte son titre à Guillaume Dustan : Je sors ce soir. Fan devant l’éternel du Minitel, Jean-Michel Jarre et des faux palmiers du Macumba, l’artiste explore depuis plusieurs années la mystique rétro-païenne des discothèques. Les discothèques : le mot est choisi à dessein, car ici, il est davantage question de boîtes de bord de route que de leur cousin snob les clubs. Ces nouveaux lieux de communion, l’artiste en a conservé l’esprit fédérateur en invitant des « guests« . Ceux-ci sont photoreporter, architectures, commissaires, dame-pipi ou DJ, ils s’appellent Jean-Michel Destang ; Sebastien Martinez Barat, Benjamin Lafore, et Audrey Teichmann ; Hélène Mourrier ; Yvette Neliaz ; Kiddy Smile ou Eric Tabuchi. Tous, ils portent haut les couleurs néon de la grande communauté qui défie les codes diurnes depuis ce trésor d’artifices post-modernes qu’est la boîte de nuit.
• Je sors ce soir de Tony Regazzoni et « guests », du 9 février au 1er mars à Glassbox à Montpellier
La décolonisation vue de Lisbonne
Au printemps passé, le monde de l’art entamait son « printemps décolonial« . Depuis les grandes institutions parisiennes, une série d’expositions abordait les refoulés de la colonisation. En fin d’année s’y adjoignait un versant juridique avec la publication du rapport Sarr-Savoy sur la restitution des œuvres d’art africaines. Le travail de décolonisation des pratiques et des savoirs est l’une des grandes tâches qu’auront à affronter au cours des prochaines années les institutions occidentales. Si toutes sont concernées, elles doivent chacune adapter leur outils et leur stratégies aux contextes locaux – afin de ne pas reproduire, avec les meilleures intentions du monde, les mêmes réductionnismes.
Consciente de ces enjeux, la Fondation Kadist aborde le sujet à travers un cycle d’expositions en trois chapitres qui permettra de l’aborder à travers un regard extérieur. Celui de Mónica de Miranda et Bruno Leitão, directeurs du centre de recherche artistique Hangar à Lisbonne. A Paris, ceux-ci travailleront avec des artistes et théoriciens qu’ils ont déjà accompagnés au Portugal afin d’aborder depuis Paris les notions de diaspora, d’exil et de mémoire. Pour la plupart issus d’Amérique du Sud, ceux-ci abordent les enjeux décoloniaux à partir d’une autre géographie, d’autres horizons mémoriaux également. Parmi les invités, on retrouvera ainsi Alfredo Jaar, Luis Camnitzer, Reynier Leyva Novo ou Grada Kilomba. La première exposition se penchera sur l' »utopie concrète« , avant d’aborder la portée critique de l’art puis celle politique du corps.
• Concrete Utopia, du 9 février au 3 mars à Kadist à Paris
SOS Mannekin
Les mannequins de vitrine n’ont pas dit leur dernier mot. Ni leur premier d’ailleurs, tant l’histoire des vitrines, showrooms, défilés et autres formes de présentation restent en deçà du seuil de visibilité. Forcément, on regarde ce qui est exposé, magnifié, vanté et vendu, tandis que l’appareillage derrière s’efface sans trace une fois son effet « wow » obtenu. Et pourtant, il est possible d’y déchiffrer les évolutions historiques des rapports entre art et artisanat, politique et l’économie – c’est-à-dire à peu près toute l’histoire culturelle récente.
A l’automne, le curateur Matthew Linde se penchait sur la forme du défilé à la Kunsthalle Bern et relisait les shows de grands designers sous l’angle de la performance. Au même moment, la Serpentine Gallery à Londres se laissait envahir par les nippes et les fripes de Passer-By, une proposition cette fois élaborée par le duo (et la marque de mode) Atelier E.B., composé d’une artiste (Lucy McKenzie) et d’une designer (Beca Lipscombe). Une approche de fait plus incarnée, ponctuant les documents et reconstitutions historiques d’un faux magasin et de commandes de vêtements et de sacs passés à des artistes. Une exposition inclassable co-produite par Lafayette Anticipations, qui en accueille désormais une version taillée sur mesure.
• Passer-by d’Atelier E.B., du 21 février au 28 avril à Lafayette Anticipations à Paris
L’art conceptuel à coups de lasso
Chaque samedi, un cowboy égaré en plein Marais donne une démonstration de lasso. Dans une salle de la galerie VNH, il fait siffler la corde dans les airs, qui parfois vient lacérer le tissu rose tendu sur tout un pan de mur. Fragile comme de la chair, celui-ci se couvre de stigmates. A la fin de l’exposition, il sera en lambeaux. Aux murs déjà, encadrés ou accrochés à la manière de drapeaux, des filaments de tissu témoignent du même processus de désagrégation qui contamine l’ensemble de l’espace : les roses et les agrumes conservés dans des bocaux de laboratoire, les tapis brûlés ou pendus, les tissus attaqués par une flaque de liquide sombre.
Depuis les années 1990, l’artiste belge Edith Dekyndt mène une investigation sensible des phénomènes naturels, notamment à travers les pièces de The Laboratory dont elle présente à Paris quelques réactivations. L’ensemble de l’exposition les replace cependant au contact des préoccupation actuelles, les rechargeant de l’inquiétude de la disparition programmée de toute nature sauvage. Autrefois terrible, le cowboy apparaît alors comme le reliquat absurde et poignante d’une époque disparue : les territoires vierges à conquérir ont irrémédiablement disparus. Comme lui, triste cowboy de salon, tout est dorénavant apprivoisé et menacé d’une disparition programmée.
• The Lariat d’Edith Dekyndt, jusqu’au 23 février à la VNH Gallery à Paris
<< à lire et à voir aussi : Emily Mae Smith au Consortium à Dijon ; DAU au Théâtre de la Ville et au Centre Pompidou à Paris >>
{"type":"Banniere-Basse"}