La 26ème édition du Festival international du film fantastique de Gérardmer a rendu son verdict. Retour sur le palmarès et bilan de la compétition. Au programme, marionnettes nazies tueuses, et triomphe suédois.
C’est au terme d’une compétition décevante que Puppet Master : The Littlest Reich, énième itération de la saga de films d’horreur rigolarde initiée en 1989 par David Schmoeller, a été couronnée du Grand Prix lors de la 26e édition du Festival du film fantastique de Gérardmer qui s’est clôturée ce dimanche 3 février. Egalement auréolée du prix du public, cette horror comedy gore gentiment débile, calibrée pour une sortie direct to video, aura certainement bénéficié de l’esprit grolandais qui avait investi le festival vosgien, dont le jury était cette année présidé par le duo azimuté Benoît Délépine-Gustave Kervern. Un lauréat 2019 aux allures de film hors-compétition, bien loin des standards du festival, qui a néanmoins su tirer son épingle du jeu au sein d’une sélection globalement moribonde.
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Marionnettes nazies et boyaux apparents
Réalisé par Sonny Laguna et Tommy Wiklund, deux cinéastes d’origine suédoise versés dans le cinéma d’exploitation, Puppet Master : The Littlest Reich donne à voir le massacre, dosé en hémoglobine, perpétré par des marionnettes nazies tueuses dans les travées d’un hôtel texan. Irrévérencieux au possible, parfois jusqu’à l’écoeurement, le film cherche à provoquer l’hilarité du public en enchaînant des scènes de boucherie toutes plus outrancières les unes que les autres, où tripes et boyaux valsent joyeusement dans un ballet sanglant. Misant sur un humour nazi lol parfois limite – les victimes des marionnettes sont des juifs, des homosexuels ou des gitans – avec pour seule défense face à la bêtise crasse, un ricanement cynique à toute épreuve, et au gré d’une mise en scène proprement catastrophique, The Littlest Reich ravira certainement les amateurs de série Z crétino-gores, et devrait trouver sa place dans le rayonnage interlope de vidéoclubs spécialisés, mais fait quelque peu tâche au palmarès d’un festival ayant livré lors de précédentes éditions des films fantastiques d’un tout autre calibre. La présence fugitive du grand Udo Kier au casting, par ailleurs invité d’honneur de cette édition, n’y change malheureusement rien.
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La Suède au premier plan
Si ce Puppet Master 2019 est américain malgré l’origine scandinave de ses réalisateurs, l’autre grand gagnant de cette édition est quant à lui 100 % suédois. Récipiendaire du prix du jury jeunes, du prix de la critique, et prix du jury ex-aequo, The Unthinkable nous aspire dans une Suède post-apocalyptique sous le feu d’une mystérieuse attaque, d’origine supposément terroriste. Réalisé par le collectif suédois Crazy Pictures, fondé par cinq amis d’enfance, ce film catastrophe singulier bénéficie d’une mise en scène extrêmement soignée, ayant su tiré profit de son budget d’1,8 millions de dollars, à moitié financé par la plateforme de crowdfunding Kickaster. Sans être un grand film, The Unthinkable s’empare du genre balisé du film catastrophe, pour finalement accoucher d’une œuvre étonnamment intimiste, qui parvient assez justement à faire cohabiter scènes contemplatives – dans lesquelles le jeune héros se confronte aux fantômes de son passé – et séquences d’action survoltées.
La Suède est définitivement la grande gagnante de cette cuvée 2019 puisque Aniara, premier long-métrage de Pella Kagerman et Hugo Lilija, vient compléter le palmarès en décrochant le prix du public (ex-aequo avec The Unthinkable). Fable SF fauchée mais ingénieusement fabriquée, le film raconte la dérive dans l’espace d’un vaisseau, aux allures de centre commercial géant, à destination de Mars, qu’un accident fait dévier de sa trajectoire. Critique maline de la dégénérescence consumériste de notre société moderne, Aniara utilise le levier SF pour mieux raconter, à l’aulne d’un futur proche, les troubles ontologiques de notre époque en perte de repères. Certainement l’un des meilleurs films de la compétition, il est en tout cas notre Grand Prix à nous.
Au pays du matin calme
Vient enfin The Witch : Part 1. The Subversion, thriller fantastique du coréen Park Hoon-jung (notamment connu pour avoir signé le scénario de l’excellent J’ai rencontré le diable de Kim Jee-woon), qui glane le prix du jury SyFy. Malgré des scènes de bastons assez virtuoses, et quelques éclats de mise en scène, cette tambouille vaguement super-héroïque, qui suit l’itinéraire badass d’une ado douée de facultés extraordinaires, s’enferme dans des tunnels de discussions interminables et répétitives qui rendent l’expérience particulièrement éprouvante. On se passera volontiers de la Part 2.
On regrettera en revanche l’absence au palmarès de l’autre film coréen de la compétition, Rampant, signé Kim Sung-hoon, réalisateur du polar Confidential Assignment, énorme carton en Corée en 2017. Film en costumes se déroulant dans la Corée médiévale mixé à un zombie drama pur jus, Rampant nous gratifie de scènes martiales spectaculaires, superbement chorégraphiées, et rappelle l’excellente série Kingdom, récemment diffusée sur Netflix, mêlant elle aussi sageuk (drame historique coréen) et film de zombie romeroesque. Le film, globalement réussi, est toutefois entaché par quelques envolées lyriques sirupeuses embarrassantes, et une bande son épique assez abominable.
Zombies bio et escape rooms
De zombies il en est aussi question dans Endzeit – Ever After, film allemand de Carolina Hellsgard à la production et au casting 100% féminins. Réflexion balourde et pontifiante sur le terminus d’une humanité viciée, responsable de sa propre extinction, cet énième film de zombies, maladroit et auteurisant, suit les pérégrinations survivalistes de deux jeunes femmes dans une Allemagne en ruine, qui croisent sur leurs routes des zombies végétalisés, ayant su conserver leur humanité malgré leur contamination. Une thématique qu’on retrouve dans The Dark de l’Autrichien Justin P. Lange, dans lequel une jeune morte-vivante hante les bois où elle a été assassinée, et fait la rencontre d’un garçon maltraité, victime comme elle de terribles abus, qu’elle décide d’épargner, renouant avec l’humanité qui semblait lui avoir échappé.
Autre tendance de cette édition, le retour en fanfare des huis-clos et des espaces confinés d’où l’on cherche désespérément à s’extirper. Le film d’ouverture était à cet égard programmatique. Réalisé par Adam Robitel, tâcheron ayant travaillé sur la saga Paranormal Activity et Insidious, Escape Room est peut-être le pire film du festival. Vaine émulation des films fondateurs du genre, Saw et Cube en ligne de mire, ce navet calibré pour un public ado dopé aux mauvaises productions Blumhouse, enferme six personnes ayant toutes vécu une expérience traumatique dans une escape room mortelle. Vu et revu, le film n’apporte rien au concept et se contente de suivre un cahier des charges amidonné, transformant la salle de cinéma en véritable escape room d’où l’on a envisagé à plusieurs reprises de s’échapper.
Await Further Instructions du britannique Johnny Kevorkian a le mérite de revitaliser le concept du huis-clos anxiogène, mais ne convainc pas pour autant. On y suit une famille qui, le soir de Noël, se retrouve piégée par une étrange substance noire entourant leur pavillon de banlieue. Thriller paranoïaque qui ambitionne d’explorer les racines viciées d’une famille dysfonctionnelle, Await Further Instructions s’égare dans un festival de clichés où se croisent un papy grabataire dispensant à sa belle fille d’infâmes saillies racistes, un misérable père de famille qui joue les mâles alpha pour prouver sa rugosité à son paternel autoritaire et une mère résignée et trop sensible qui se laisse marcher dessus par tout ce beau monde. La séquence finale, formellement intéressante, ne parvenant pas à rattraper une caractérisation de personnages plus qu’indigente.
Le palmarès complet :
Grand Prix : Puppet Master : The Littlest Reich de Sonny Laguna et Tommy Wiklund
Prix du Jury ex-aequo : Aniara de Pella Kagerman et Hugo Lilja/ The Unthinkable de Crazy Pictures
Prix de la critique :The Unthinkable de Crazy Pictures
Prix du jury Syfy :The Witch : Part 1. The Subversion de Park Hoon-jung
Prix du jury jeunes : The Unthinkable de Crazy Pictures
Prix du public : Puppet Master : The Littlest Reich de Sonny Laguna et Tommy Wiklund
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