[Best of musique 2020] Enregistré en 1982, sorti deux mois après le tube Blue Monday, cet album, classique absolu, a changé la face de la pop. Retour sur la genèse de Power, Corruption and Lies paru en coffret collector le 2 octobre dernier.
Mai 1980, Ian Curtis, chanteur et leader de Joy Division, se suicide à 23 ans, laissant derrière lui, désorientés, ses trois compères de jeu (Bernard Sumner, Peter Hook et Stephen Morris). Refusant de poursuivre Joy Division, le groupe se demande comment continuer, avant que Rob Gretton, leur manager historique, leur conseille de “tout mettre dans une boîte, tous vos sentiments, toutes vos douleurs, tous vos souvenirs, tous les morceaux enregistrés”. C’est dans ces conditions que New Order, rejoint par la claviériste Gillian Gilbert, va naître.
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“On était fascinés par cette effervescence”
Avec Martin Hannett, producteur de Joy Division, l’enregistrement de leur premier album, Movement, à New York, en 1981, vire au drame. Défoncé soir et matin, Hannett ne cesse de répéter que New Order ne fait que de la merde et refuse l’envie du groupe de mettre plus de synthés et de boîtes à rythmes. Pour oublier cette atmosphère explosive, New Order explore New York la nuit. Un déclic majeur, comme l’explique Sumner dans le livret de la réédition de Power, Corruption and Lies :
“On est sortis dans tout un tas de clubs, on a entendu des morceaux absolument incroyables. En Angleterre, les discothèques passaient des tubes faciles et sans intérêt, mais aux Etats-Unis on pouvait entendre aussi bien Rock the Casbah de The Clash que Tainted Love de Soft Cell, du disco d’un label comme Prelude comme du Sugarhill Gang ou les premiers morceaux electro. On était fascinés par cette effervescence et ça nous a tous marqués.”
C’est dans ce studio londonien, construit par Pink Floyd en 1975, loin d’être à la pointe de la technologie, mais dont le son est réputé énorme, que le groupe va produire “Blue Monday”
A l’automne 1982, débarrassé de Martin Hannett et décidé à produire ses disques, le groupe s’enferme au Britannia Row et apprend à se servir à tâtons des machines qu’il vient d’acquérir : un Emulator, ancêtre du sampler, un Oberheim DMX et un Prophet 5. C’est dans ce studio londonien, construit par Pink Floyd en 1975, loin d’être à la pointe de la technologie, mais dont le son est réputé énorme, que le groupe va produire Blue Monday, leur plus gros tube (et toujours le maxi 45 tours le plus vendu de l’histoire). Une sorte de proto-techno irrésistible de plus de sept minutes où figure leur amour pour Giorgio Moroder, pour Dirty Talk de Klein & MBO ou You Make Me Feel de Sylvester, mais aussi des samples d‘Uranium de Kraftwerk et de La Reisa Dei Conti d’Ennio Morricone.
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Chef-d’œuvre absolu
L’album Power, Corruption and Lies, enregistré en même temps mais qui sortira deux mois après Blue Monday, est une exploration dans les tréfonds de la synth-pop dansante et mélancolique, qui, avec sa pochette florale empruntant au tableau du peintre Henri Fantin-Latour et ses huit titres exemplaires, tient du chef-d’œuvre absolu. Ce que résumait Alexis Taylor de Hot Chip dans le NME : “Quand vous l’écoutez, vous vous apercevez à quel point ils étaient pionniers dans cette manière de combiner mélancolie et paroles poignantes à la pulsation de la dance music et la noirceur de Joy Division.”
“Power Corruption and Lies” est un album libératoire et jouissif, où New Order s’invente un nouveau son tout en se débarrassant des fantômes de Joy Division
La légende raconte qu’à la sortie du disque, Neil Tennant a songé à arrêter la musique car c’est ce qu’il essayait de faire avec les Pet Shop Boys, que Dave Stewart d’Eurythmics a recommencé à zéro l’album sur lequel il travaillait et que les membres de Krafwerk étaient tellement impressionnés qu’ils se sont pointés au Britannia Row, refusant de croire que New Order avait pu enregistrer un tel disque dans un studio aussi oldschool.
Power Corruption and Lies est un album libératoire et jouissif, où New Order trouve la voie de son futur, s’inventant un nouveau son tout en se débarrassant des fantômes de Joy Division. Ce que confirme Peter Hook dans son livre, Substance : “Movement c’était du Joy Division avec des voix à la New Order, alors que Power, Corruption and Lies est en fait le premier véritable disque de New Order.”
Power, Corruption and Lies (Warner)
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