Ce vendredi 1er février, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions étaient en règle, rejetant les griefs des requérants qui dénoncent une « loi morale ».
Non, la loi du 13 avril 2016 ne sera pas censurée. C’est ce qu’ont décidé les Sages du Conseil constitutionnel ce vendredi 1er février estimant que la mesure qui pénalise les clients est « conforme » à la loi fondamentale. Une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) avait été posée au Conseil d’Etat par neuf associations dont Médecins du monde, le Syndicat du travail sexuel (Strass) et plusieurs travailleurs du sexe avant d’être transmis au mois de novembre au Conseil constitutionnel.
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« Le législateur a assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de prévention des infractions et la sauvegarde de la dignité de la personne humaine et, d’autre part, la liberté personnelle », ont estimé les Sages dans leur décision n°2018-761.
« Victimes du proxénétisme et de la traite »
Le 22 janvier différentes associations avaient fait valoir leurs arguments auprès du Conseil constitutionnel. Selon les requérants, la loi réprime « même les adultes consentants » et « méconnaît les droits constitutionnels à l’autonomie personnelle et à la liberté sexuelle, le droit au respect de la vie privée, la liberté contractuelle, la liberté d’entreprendre ainsi que le principe de nécessité et de proportionnalité des peines. » Ce à quoi a répondu le Conseil constitutionnel : « Si le législateur a réprimé tout recours à la prostitution, y compris lorsque les actes sexuels se présentent comme accomplis librement entre adultes consentants dans un espace privé, il a considéré que, dans leur très grande majorité, les personnes qui se livrent à la prostitution sont victimes du proxénétisme et de la traite et que ces infractions sont rendues possibles par l’existence d’une demande de relations sexuelles tarifées. »
Concernant la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains visée par le législateur, le Conseil estime qu’il n’y a pas confrontation entre « cet objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de prévention des infractions et la sauvegarde de la dignité de la personne humaine et, d’autre part, la liberté personnelle. »
Une loi qui précarise et isole
Devant les Sages, Me Spinosi, avocat de plusieurs requérants, dénonçait une « loi morale » qui a largement contribué à « précariser et isoler » les travailleurs.se.s du sexe. En inversant le rapport de force, la loi les a contraints à accepter des tarifs beaucoup plus bas, des rapports non-protégés, avec des clients parfois violents, et à travailler dans des endroits plus isolés où elles et ils sont moins protégés en cas d’agressions. Là encore le Conseil constitutionnel a indiqué que son rôle « n’est pas de se substituer au législateur », y compris « sur les conséquences sanitaires pour les personnes prostituées des dispositions contestées ».
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Dans un communiqué, le Mouvement abolitionniste du Nid et l’association Osez le féminisme ont félicité une décision qui « confirme définitivement le choix qu’a fait la France en avril 2016 d’une législation abolitionniste dépénalisant les victimes du système prostitutionnel et interdisant l’achat d’actes sexuels. » « Désormais, ni la désinformation, ni les mensonges sur les effets de la loi ne doivent plus venir ralentir son application pleine et entière », rappellent les organisations.
Jointe par téléphone, Irène Aboudaram coordinatrice à Médecins du monde parle d’« une grande déception » et d’une « incompréhension ». « Le Conseil constitutionnel finalement prend une décision politique et renvoie sur les débats qu’il y a eu en dressant le parallèle entre la pénalisation des clients et la lutte contre la traite des êtres humains. » Elle conclut : « Le combat va continuer parce que nous, notre souci c’est vraiment de continuer à défendre les enjeux de sécurité, les enjeux de santé, les enjeux autour des droits des personnes… Et arrêter de faire croire que parce que l’on pénalise les clients on va lutter contre la traite et protéger les personnes. »
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