A Singapour, un ouvrier disparaît. Un premier film fascinant et maîtrisé récompensé à Locarno.
Avec son premier long métrage récompensé du Léopard d’Or à Locarno en août dernier, Siew Hua Yeo, Singapourien de 33 ans, a clairement choisi son camp. Celui, façon Le Grand Sommeil ou Mulholland Drive, d’un cinéma abandonnant rapidement son intrigue principale et ses résolutions complexes pour s’aventurer, tête baissée, vers des contrées insoupçonnées, et oniriques, si l’on en croit le titre du film.
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C’est d’abord comme un thriller que s’annonce Les Etendues imaginaires. Wang, jeune ouvrier chinois travaillant sans relâche sur un chantier d’aménagement du littoral destiné à étendre la superficie de Singapour, a mystérieusement disparu. L’inspecteur Lok le recherche.
Rapidement, la simple disparition lève le voile sur un vaste et cruel système d’exploitation, au sein duquel les ouvriers immigrés, venus gagner un peu d’argent sur l’archipel, se retrouvent, littéralement, prisonniers. Le film se teinte alors d’une couleur sociale et actuelle avant de bifurquer brusquement dans une autre direction. Nous voici désormais dans la peau du disparu, Wang, qui, pour occuper ses nuits d’insomnie, trouve refuge dans un cybercafé aux allures de boîte de nuit, tenu par une fille au regard sombre.
L’enquête du début n’était-elle qu’un songe ? La vie de Wang n’est-elle que le fruit de l’imagination du flic ? Les deux hommes sont-ils la même personne ? Impossible de savoir, tant le film égrène avec virtuosité des indices épars et contraires pour former une entêtante ronde mélancolique que chaque personnage rêve de fuir.
Si l’on regrette que le film, un peu trop conscient de son savoir-faire, ne s’achève sur une fin excessivement ouverte, on se passionne pour ces Etendues imaginaires, film noir et histoire d’amour, doux cauchemar et trip hallucinatoire, qui acte indiscutablement la naissance d’un cinéaste doué et prometteur.
Les Etendues imaginaires de Siew Hua Yeo (Sing., Fr., Néer., 2018, 1 h 35)
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