Jérôme Rodrigues a-t-il été blessé à l’œil par un tir de lanceur de balles de défense (LBD), ou par un éclat de grande de désencerclement ? Selon le rapport d’un policier, la première hypothèse se renforce.
Depuis que Jérôme Rodrigues a été gravement blessé à l’œil le 26 janvier à Bastille, deux versions des faits s’opposent. Selon la victime, un des “gilets jaunes” les plus suivis sur Facebook, il a subi une “double attaque”, recevant à la fois une grenade de désencerclement et un tir de lanceur de balles de défense (LBD, dit Flash-Ball). Jusqu’à présent, les autorités contestaient l’usage du LBD. Dimanche 27 janvier, le secrétaire d’Etat à l’Intérieur, Laurent Nunez, affirmait ainsi n’avoir « aucun élément » permettant de prouver l’usage de cette arme. Mais les choses pourraient changer.
Un policier affirme avoir fait usage de son LBD
Des vidéos amateurs et le rapport d’un policier révélé mercredi 30 janvier confortent en effet la thèse du tir de LBD. Selon Le Parisien, un policier en poste dans une compagnie de sécurisation et d’intervention (CSI) a en effet reconnu dans un rapport envoyé à sa hiérarchie avoir utilisé son LBD au moment où Jérôme Rodrigues a été blessé. Pour autant, le lien n’est pas encore établi entre cette utilisation du LBD et la blessure de la victime.
Le ministère de l’Intérieur encourage donc à prendre ces informations avec précaution. « Nous avons eu connaissance de ce rapport aujourd’hui [mercredi]. Il a été immédiatement transmis à l’IGPN. Aucun élément contenu dans cette note ne permet d’affirmer ou d’infirmer l’une ou l’autre des thèses », a-t-il déclaré à l’AFP. Et de poursuivre : “C’est à l’IGPN, qui mène l’enquête sous l’autorité du parquet de Paris, qu’il appartient d’établir les faits. Le ministère de l’Intérieur communiquera à l’IGPN l’ensemble des documents dont il aura connaissance”.
Deux vidéos portées au dossier
Pour rappel, Jérôme Rodrigues avait dénoncé, depuis son lit d’hôpital, la « double attaque » dont il dit avoir été victime : “Tout se passe très vite, on me lance une grenade et derrière je me prends une balle, donc j’ai été doublement attaqué : une grenade au pied et la balle. Maintenant, de ce que j’ai compris ce matin, ma sœur est en possession de la balle qui m’a touché, elle a été ramassée et il y a une autre vidéo qui tourne où vous entendez la grenade et tout de suite derrière le petit bruit significatif d’un tir de LBD ». Son avocat, Me de Veulle, défend la même ligne, évoquant un “un tir de Flash-ball”.
Et ce mardi 29 janvier, Quotidien a diffusé des vidéos qui semblent montrer qu’un projectile a été tiré par les policiers avant que Jérôme Rodrigues s’effondre. Sur la deuxième vidéo ci-dessous, on entend bien le bruit sec du tir de LBD.
Et maintenant, les IMAGES issues d’un Facebook Live de gilets jaunes.
Ça se passe très rapidement : un projectile est lancé vers les forces de l’ordre qui ripostent en lançant une grenade, avant qu’un policier ne dégaine son LBD et tire.@valentineoberti #Quotidien pic.twitter.com/A433xbxG7b
— Quotidien (@Qofficiel) January 29, 2019
Ces vidéos ont été ajoutées au dossier. Mais le ministère de l’Intérieur estime, auprès de l’AFP, qu’elles « n’attestent en aucun cas qu’un tir de LBD a été dirigé contre Monsieur Rodrigues ».
“L’usage répété des LBD40 en tirs tendus pose question”
Comme nous le confiait le chercheur Jérémie Gauthier, spécialiste des politiques de maintien de l’ordre, “l’usage répété des LBD40 en tirs tendus par des policiers est en effet documenté par de nombreux témoignages, j’en ai moi-même été témoin. Il pose vraiment question. L’exigence de proportionnalité est, rappelons-le, centrale dans la doctrine policière. Or ces tirs visent parfois des personnes qui ne semblent pas impliquer un danger imminent pour d’autres manifestants ni pour les forces de l’ordre elles-mêmes. Qui plus est, les contextes dans lesquels ces tirs sont effectués ne permettent pas d’assurer la précision du tir.”