Au Centre Pompidou, le festival HORS PISTES explore la face cachée de la Lune : ses enjeux géopolitiques, technologiques et stratégiques.
La Lune s’est rapprochée. En 1969, Neil Armstrong y laissait la première empreinte humaine. Cinquante années plus tard, le tourisme spatial est sur le point de se privatiser. En 2023, l’entrepreneur japonais Yusaku Maezawa devrait devenir le premier touriste lunaire, et emmener avec lui six ou huit artistes – collectionneur à ses heures, il dit craindre l’ennui en apesanteur. Si la lune s’est rapprochée, c’est qu’elle est devenue un enjeu de spéculation pour les start-up comme SpaceX, l’entreprise chargée de concrétiser les plans sur la comète de Maezawa. Cet étiolement de l’imaginaire spatial, et les moyens potentiels de le raviver, est précisément la thématique qu’explore la 14e édition du festival Hors Pistes : La Lune : zone imaginaire à défendre.
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Au niveau -1 du Centre Pompidou, Géraldine Gomez, fondatrice et programmatrice du festival, s’est adjointe le concours de Jean-Luc Soret, commissaire scientifique de l’événement, pour une tentative d’encerclement, à la fois poétique et politique, de l’astre soeur. La travée centrale du niveau -1 présente, en guise de préambule, deux vidéos face à face : un film d’archive de la Nasa et Le Voyage dans la Lune de George Méliès.
https://youtu.be/aNcxCR7f2MQ
La suite du parcours amplifiera ces mouvements d’aller-retour entre Terre et Lune, petite et grande histoire, science et poésie, politique et absurde avec, au centre, une exploration de la notion de territoire, déjà au coeur des deux éditions précédentes de Hors Pistes – consacrées à la Nation l’an passé et à la Mer en 2017. Par le prisme de la Lune, les commissaires approchent de biais trois débats sociétaux majeurs : les pensées écologiques, les médias de masse et les velléités colonisatrices des humains.
Les premières pensées écologiques
“Lorsque Neil Armstrong se retourne, il aperçoit au loin une bille bleue. La fragilité de la Terre s’incarne dans une image. A la même époque, les premières pensées écologiques font leur apparition, raconte Géraldine Gomez. L’événement marque également la première synchronisation mondiale. Bien avant l’effondrement des Twin Towers, le premier alunissage de 1969 est regardé ou écouté en direct dans le monde entier.”
Le troisième point est le plus incisif, le plus finement mené, et celui qui rassemble les oeuvres les plus percutantes. Consacré à la colonisation, on l’aborde d’abord par son versant artistique qui, à première vue, s’annonce plutôt doucement loufoque que travaillé d’une inextinguible soif de conquête.
Musée pour la Lune
Une première salle rassemble des documents ou artefacts relatifs à des oeuvres envoyées sur la Lune. Lors de la mission Apollo 12 de 1969, l’artiste Forrest Myers fait poser une tuile céramique miniature, sur le module d’alunissage, gravée de dessins des grands artistes américains de l’époque. Outre Myers lui-même, David Novros, Claes Oldenburg, Robert Rauschenberg et Andy Warhol contribuent à ce “musée pour la Lune” (Moon Museum) – ce dernier n’ayant rien imaginé de mieux que d’envoyer aux non-humains et à la postérité le dessin d’un pénis formé de ses initiales. S’ensuivront deux autres envois également présentés dans cette salle : une figurine de l’artiste belge Paul Van Hoeydonck en 1971, et le Moon Ark de la Carnegie Mellon University en 2017.
Le parcours se clôt sur une dernière salle, qui se charge d’expliciter noir sur blanc les accents colonisateurs venant troubler la tranquillité du monolithe opalescent. Là où les artistes ont souhaité laisser une trace sur la Lune au nom de la civilisation humaine, les enjeux géostratégiques présentent l’horizon étriqué d’une lutte entre quelques grandes nations et grands groupes.
Enjeux militaro-industriels de la conquête de la Lune
En décembre dernier, alors que le sol de l’astre était resté vierge depuis 1972, Donald Trump signait la “directive sur la politique spatiale” afin de renvoyer des astronautes américains sur la Lune. Sous ce jour, la mission du collectif Planète laboratoire, initiative de l’artiste Ewen Chardronnet et du collectif Bureau d’études, revêt une actualité renouvelée. A travers plusieurs installations, celui-ci traduit en graphiques et en formes visuelles simples les enjeux militaro-industriels de la conquête de la Lune, de la guerre froide jusqu’au capitalisme alien à venir. Pas question pour autant de céder au rétrécissement des horizons rêvés.
Fondée en 1995, l’AAA (Association des astronautes autonomes) milite à coups de tracts, publications et mixtapes pour une contre-culture scientifique en open source, à mi-chemin entre la pataphysique et ce qu’ils nomment “disconautique” – le voyage cosmique en dansant.
Festival Hors Pistes – La Lune : zone imaginaire à défendre Jusqu’au 3 février, Centre Pompidou, Paris IVe
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