Chronique des répétitions de la pièce « Des Roses et du Jasmin » d’Adel Hakim au Théâtre national Palestinien, le spectacle de Jean-Claude Fall condense avec humour les étapes d’une création aux forceps.
Adel Hakim nous a quitté le 29 août 2017. Il n’est plus bel hommage à rendre à un auteur-metteur en scène que de revenir au plateau pour témoigner de son œuvre à travers la plus utopique de ses créations. Avec Jours tranquilles à Jérusalem, Jean-Claude Fall a demandé à Mohamed Kacimi d’écrire une pièce en s’inspirant du journal de bord que celui-ci avait tenu durant les répétitions Des Roses et du Jasmin, la pièce créée par Adel Hakim à Jérusalem-Est avec la troupe du Théâtre national Palestinien en 2015.
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La solitude absolue du metteur en scène
Au-delà de ses qualités d’auteur et d’homme de théâtre, on ne dira jamais assez la force de caractère, la générosité lumineuse et le génie de diplomate qui habitaient Adel Hakim, lui qui fit le pari insensé de proposer aux acteurs palestiniens de convoquer l’histoire sur scène, du camp de concentration de Bergen-Belsen au déclenchement de la première Intifada, dans une pièce se doublant d’une saga familiale où l’amour finit par mêler les sangs juif et palestinien après trois générations.
Sans jamais se départir d’un humour à ranger du côté de la politesse du désespoir, Jours tranquilles à Jérusalem lève le voile avec une grande humanité sur la solitude absolue du metteur en scène qui doit se battre bec et ongle à chaque étape pour tenter de garder la maîtrise de son projet.
Murs, tags et check-point
Confronté dès la première scène aux membres du conseil d’administration du TNP, ceux-ci lui demandent de changer de sujet avant de préférer démissionner en menaçant de mettre le feu au théâtre. Rien n’est simple non plus avec les acteurs qui doivent jouer des Juifs et passent au crible chaque réplique en adaptant le texte à ce qu’il est possible de dire dans un contexte où évoquer la shoah et la souffrance des Juifs semble proche d’une trahison au regard de ce qu’il y aurait à dire sur la souffrance endurée depuis soixante-dix ans par les Palestiniens.
Le fond de scène est recouvert par les pages du texte, il sert d’écran à des vidéos tournées à Jérusalem. Ces images longent le mur de béton de trois étages qui sépare Israéliens et Palestiniens, s’arrêtent sur les tags, filment les check points et nous invitent à découvrir le théâtre national Palestinien. C’est dans la semi pénombre de leurs transparences que se joue la pièce. Impressionnant dans le rôle du metteur en scène, Jean-Claude Fall s’est entouré d’une troupe formidable pour réveiller la mémoire d’une aventure artistique aussi exemplaire que troublante.
S’accorder à l’humilité et au désir de vérité qui permit à chacun d’aller au bout de la création à Jérusalem est en permanence palpable tout au long du spectacle. Nous faire revivre ces moments est purement bouleversant.
Jours tranquilles à Jérusalem de Mohamed Kacimi, mise en scène et jeu Jean-Claude Fall avec Bernard Bloch, Roxane Borgna, Etienne Coquereau, Jean-Marie Deboffe, Paul-Frédéric Manolis, Carole Maurice, Nolwenn Peterschmitt, Alex Selman. Jusqu’au 8 février, Manufacture des œillets, Théâtre des Quartiers d’Ivry, centre dramatique national du Val de marne, Ivry-sur-Seine.
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