L’écrivain américain Jerome Charyn ressuscite Joe DiMaggio en homme-énigme, héros solitaire et fou de Marilyn Monroe, le temps d’une biographie émouvante.
C’était une légende du baseball et on le surnommait « Joltin’ Joe” : “C’était un chevalier merveilleux dans un sport qui paraît presque médiéval par sa lenteur et la surabondance de ses rituels.”
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Un héros américain
Engagé chez les Seals de San Francisco dès l’âge de 17 ans, le jeune émigré italien devint très vite un héros américain. Et pour devenir un héros, il faut du mystère, une puissance et un miracle. Celui-ci se produisit, Dieu merci, sur le stade : après une série de cinquante-six matchs qu’il gagna à chaque fois, Joe DiMaggio devint plus que l’immense star sportive qu’il était déjà : une idole, une icône. Et c’était en 1941, treize ans avant son mariage avec Marilyn Monroe. Pourtant, dans la mémoire collective, ce grand échalas sombre aux faux airs d’Yves Montand (un autre amant de la blonde platine) reste à jamais célèbre pour sa relation avec la star hollywoodienne.
“Quels qu’aient été ses défauts, il fut le seul homme à sa hauteur, le seul à ne pas se servir de Marilyn ou profiter de sa célébrité, comme le front Miller et Montand. Alors qu’elle était prisonnière d’un asile en 1961, ce fut DiMaggio qui l’en fit sortir, menaçant de démolir les lieux, ‘une planche après l’autre’, si elle n’était pas relâchée dans les cinq minutes. Alors qu’elle gisait comme une détenue hébétée dans le complexe de Frank Sinatra à Palm Springs, ce fut DiMaggio qui resta de faction à la grille à monter la garde, comme il le faisait dans les cavernes du Yankee Stadium”, écrit Jerome Charyn dans sa biographie ultra documentée – principalement basée sur tous les écrits autour de Joe – et passionnante, de ce héros triste qui resta toute sa vie l’ami fidèle et l’amoureux transi de Marilyn.
Le portrait d’un veilleur
Né en 1937 dans le Bronx, deux ans après que DiMaggio (né en 1914) ne fit ses débuts chez les Yankees, Jerome Charyn est presque un contemporain des deux icônes. L’écrivain aux cinquante livres a publié son portrait du joueur de baseball en 2011 aux Etats-Unis, sous le titre Joe DiMaggio.The Long Vigil (la longue veille). DiMaggio ou le portrait d’un veilleur ? C’est en effet ce qui émeut le plus Charyn chez cet homme aux tendances autistes : celui toujours en veille sur les matchs, impossible à déconcentrer, un taiseux qui passait son temps seul, un solitaire qui n’acceptait personne à sa table, la n°1 chez Toots à Manhattan (à part sa première femme, Dorothy, une danseuse blonde dont il divorcera vite après avoir eu un fils) ; et celui toujours en veille autour de Marilyn, de près ou de loin, hantant les alentours du Waldorf Astoria Hotel à New York, attendant qu’elle revienne, seul et malheureux, de plus en plus sombre et renfermé.
“Jamais il ne devait comprendre combien elle était intelligente, plus fine et subtile qu’il ne le serait jamais.” Jerome Charyn, extrait
Ironie du sort, c’est après avoir accepté de le réépouser qu’elle trouva la mort le 5 août 1962 – il l’enterrera le 8, date prévue pour leur remariage. La seule à faire plier le géant des stades, ce fut elle. “Jamais il ne devait comprendre combien elle était intelligente, plus fine et subtile qu’il ne le serait jamais.” Elle l’intrigue, et “le don qu’elle avait pour la solitude était aussi grand que le sien”. Assistant au tournage de la scène de la bouche de métro de Sept ans de réflexion (1955), voyant sa femme à moitié dénudée sur Lexington Avenue au milieu de la foule, DiMaggio pique une crise de jalousie et la cogne dans leur chambre d’hôtel. Marilyn le fuit et demande le divorce un an après leurs noces.
Les images inédites du tournage de Sept ans de réflexion publiées par le New York Times en 2017
Joe in love
Si Charyn consacre la première partie de son livre au baseball, à ses plus grands joueurs, c’est la deuxième partie, sur Marilyn, qui l’emporte. Là encore, Monroe aura gagné. C’est, à en croire Charyn, elle qui se serait servie de la gloire nationale de Joe pour reconquérir les studios – qui la traitent de pute et vont détruire sa jeune carrière – et devenir une idole américaine. Mais elle a déjà rencontré Arthur Miller…
Dès 1955, cachée sous le pseudo de Zelda Zonk et des lunettes noires, l’actrice prend des cours avec Lee Strasberg à Manhattan et danse avec Truman Capote. Elle ne ressort DiMaggio du placard que pour camoufler sa liaison avec un homme marié, Arthur Miller, qu’elle épouse en 1956. “Joe, lui, devenait de plus en plus obsédé par Marilyn alors même qu’il disparaissait de sa vie. Ayant été ‘blessé au vu et au su de toute le monde’, il s’était mis à boire énormément et se changea en une espèce de prédateur courant aux trousses des imitatrices de Marilyn. Il errait de ville en ville, allait assister à tous les spectacles d’imitation organisés dans le pays, couchait autant que possible avec ces imitatrices.” En charge romanesque aussi, DiMaggio fut l’égal de Marilyn.
Joe DiMaggio (Editions du Sous-Sol), traduction de l’anglais (Etats-Unis) par Marc Chénetier, 192 p, 18€. Préface inédite de l’auteur. Sortie le 7 février
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