Rencontre avec l’une des plus grosses forces de frappe du rap français, à l’occasion de la sortie de Survie, son deuxième album.
Plus grosse force de frappe d’Awa, l’écurie pilotée par le producteur Kore, Zola poursuit sa folle ascension avec Survie, un deuxième album qui confirme la faculté du rappeur à soigner ses mélodies et à fédérer autour de sa personnalité. Celle d’un jeune homme, 20 ans, aussi timide et discret dans la vie quotidienne qu’à l’aise derrière le micro, seul endroit au monde où il semble être totalement en phase pour incarner chacune de ses rimes.
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Après l’énorme succès de Cicatrices, certifié disque de platine, ce deuxième album était très attendu. Ça te fait quoi de ne plus être considéré comme outsider ?
Zola – Peut-être que je ne le suis plus aux yeux des gens, mais je me considère toujours comme tel. Je ne me vois pas comme quelqu’un d’installé dans le paysage musical, je suis toujours dans la compétition, prêt à prouver que j’ai ma place. D’ailleurs, je suis persuadé de ne pas encore avoir trouvé ma formule.
Qu’est-ce qui manque, selon toi, au style Zola ?
Je ne sais même pas, à vrai dire. Je sais juste que j’ai toujours envie de tester de nouvelles choses, qu’une carrière nécessite du temps pour se construire réellement. Je suis dans une constante évolution, et ça me plaît.
Ça rejoint ce que tu dis dans l’album, quand tu prétends ne pas avoir changé, simplement évolué…
Ces derniers mois, j’ai découvert de nouvelles choses, j’ai expérimenté des situations qui m’ont fait grandir. Grâce à la musique, j’ai l’impression de tout vivre en accéléré. C’est parfois perturbant, parce que je suis quelqu’un qui aime rester discret, mais c’est clairement ce qui me permet d’évoluer, de découvrir des aspects de la vie plus rapidement que ceux de ma génération.
Tu as l’impression d’être un artiste générationnel, dans le sens où tu fédères un public très fidèle, où tes concerts sont sold out, etc.
Non, je pense que d’autres le sont bien plus que moi. Je pense aussi qu’un tas d’artistes incarnent mieux notre époque que moi. Personnellement, je ne veux pas représenter quoique ce soit, je raconte mon état d’esprit. Point barre.
18 mois après la sortie de Cicatrices, il y a des éléments de ce premier album que tu aimerais modifier ?
Très honnêtement, je pense que je ne referai pas la majorité des titres aujourd’hui. Tout simplement parce qu’ils appartiennent au passé, à une étape de ma vie. Bon, comme ils ne contiennent pas de message en particulier, ça ne me dérange pas de les jouer sur scène, mais j’ai envie de proposer autre chose désormais. Pour moi, mais aussi pour le public.
Ta particularité, c’est d’avoir connu un succès très rapide, très fulgurant. Tu penses que tu aurais persévéré dans le rap si le retour du public s’était fait attendre ?
Il faut être honnête : je n’aurais sans doute pas continué toute ma vie à faire du rap si je n’avais pas eu de succès. J’aurais continué par passion, bien sûr. J’aime trop cette musique, c’est à travers le rap que je me libère de certaines choses, mais je ne me serai sans doute pas autant investi qu’aujourd’hui. Et c’est normal : il faut bien gagner ta vie à un moment donné. Quand tu grandis, tu ne peux plus consacrer toutes tes journées à une passion qui ne rapporte pas d’argent.
Musicalement, il y a des disques que tu as écoutés ces dernières années qui t’ont incité à faire évoluer ta démarche sur Survie ?
Non, je n’ai pas cette impression pour ce disque, même si les morceaux que j’écoute doivent forcément finir par m’influencer, inconsciemment ou non. Je consomme tellement de rap américain… En revanche, j’ai réalisé un freestyle pour le site Booska-P, et celui-ci est clairement porté par la vibe du Texas.
Pourquoi cette scène en particulier ?
J’aime leurs clips, l’idée que les rappeurs n’en aient rien à foutre de la bonne conduite : ils s’affichent avec leur flingue, leur drogue et leur grosse liasse de billets. Ils sont en mode “rien à foutre”, et ça me plaît. Surtout, j’aime bien le côté underground de leur démarche. Aujourd’hui, tout est contrôlé, il y a plein d’univers que l’on ne peut pas mettre en scène. Eux, à l’inverse, tu sens qu’ils viennent de la rue, que leur musique n’est pas faite pour plaire à tout le monde.
Pour Survie, il paraît que tu avais accumulé énormément de morceaux. C’est une frustration de ne pas pouvoir tout diffuser ?
C’est hyper compliqué, oui. Je sais qu’ils pourraient être publiés sur des rééditions ou des prochains projets, mais il y a des chances pour qu’ils ne me plaisent plus d’ici quelque temps. Je marche au feeling, donc j’aimerais pouvoir les publier dès qu’ils sont réalisés. Là, même si je ne me le dis pas consciemment, j’ai l’impression de les mettre à la poubelle, et ça me frustre. Je sais qu’il y a des pépites dans le lot.
Dans ce cas, pourquoi ne pas privilégier des formats courts, qui te permettraient de publier régulièrement tous tes morceaux, plutôt que des albums ?
Sans parler au nom de mon label, je préfère sortir plusieurs sons d’un coup. Je n’aime pas quand les gens s’attardent uniquement sur un morceau. Quand je sors Brobro, par exemple, ça me gène, j’ai peur d’être limité à un genre en particulier alors que mon but, à l’inverse, est justement de faire en sorte que tout le monde puisse trouver chaussure à sa taille dans l’œuvre que je produis. Mais bon, je ne crache pas sur les singles pour autant. Ils sont utiles aussi, ne serait-ce que pour faire patienter des gens. C’est juste que je préfère travailler le format album, ce qui explique aussi pourquoi je me fais discret sur les réseaux. Quand je disparais, c’est tout simplement parce que je travaille sur un disque, ce qui me paraît plus important que le format single ou les clips.
C’est presque une démarche de “puriste” finalement, un mot qui donne d’ailleurs son nom au dernier morceau de Survie ?
Je ne sais pas, honnêtement. Ce qui est sûr, c’est que je ne suis pas puriste. J’avance en phase avec mon époque, au feeling.
Pourtant, j’ai cru comprendre que Papillon avait nécessité de nombreuses tentatives…
C’est vrai que ce morceau a été compliqué à réaliser… Mais c’est exceptionnel chez moi. C’est juste que ce titre me parlait à mort, je savais ce que je voulais en faire, donc je me suis vraiment pris la tête dessus. Mais c’est clair que ce n’est pas mon genre à la base. Mon délire, c’est d’avancer à l’instinct. Si ça ne passe pas, on passe à autre chose. Pareil pour les productions : dès que j’en reçois une, je capte vite si elle me convient ou pas.
Des morceaux comme Cache Cash, peut-être plus intimes, tu aimerais en faire davantage à l’avenir ?
Il faut savoir que je ne vais jamais rester sur le même délire. Ça, c’est une certitude. Cache Cash, je me suis éclaté à le faire, le thème est plus personnel, j’y parle de ma mère, mais tout va dépendre de mon futur état d’esprit. Encore une fois, je ne suis pas un rappeur à message, mais je ne suis pas du tout contre aller vers ce genre d’intentions plus introspectives.
https://www.youtube.com/watch?v=cAtNGDVhq-I
Sur Survie, tu t’ouvres également plus clairement à des morceaux romantiques.
Ouais, c’est une volonté de ma part. Je ne voulais pas faire que de la trap, je n’ai pas toujours envie de poser sur ce genre de sons. Du coup, j’ai demandé à Kore, mon producteur, s’il n’avait pas une prod’ plus punchy. De là, Mula et Ma Jolie ont été composés. Dans la simplicité, sans prise de tête. Tout comme 9 1 1 3 avec SCH, qui est un morceau très dansant.
Je sais que tu as un rapport un peu méfiant au succès. Tu n’as pas peur que tout ce qui se passe pour toi ces derniers mois puisse impacter la façon dont tu envisages ta musique à l’avenir ? L’attente du public, la vie en tournée, etc.
Non, je ne pense pas. Pour moi, quelqu’un d’installer doit continuellement prouver qu’il peut s’améliorer et gérer une pression tellement forte qu’il est obligé de se challenger. J’aime cette façon d’envisager la musique, j’ai besoin de défi, de garder la motivation.
Tu as l’impression d’avoir appris sur des choses sur toi pendant l’enregistrement de Survie ?
Sur moi, non. En revanche, j’ai compris que j’adore le fait d’être en studio. Je sais que je suis tranquille là-bas, que je prends de plus en plus de plaisir à faire ma musique. J’ai la chance de vivre de ma passion, c’est trop cool, et je pense que les derniers mois m’ont appris à savourer ces moments-là.
Tu parles de chance. Tu penses que le talent ne suffit pas à se faire un nom ?
Non, pas du tout : il y a plein de gens qui ont du talent et qui ne perceront pas parce qu’ils n’ont pas de visibilité. C’est dommage pour eux. Moi, je sais que j’ai beaucoup de chance que l’on m’ait découvert. Sans ça, je ne serai pas là.
Propos recueillis par Maxime Delcourt
Album : Survie (Truth Records/Awa/Sony Music France)
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