Ex-mannequin, l’Ukrainienne Olga Kurylenko illumine « La Terre outragée », film sur la catastrophe de Tchernobyl qu’elle a aussi produit.
Elle reçoit dans le bar cosy d’un palace, belle et chic, sophistiquée et chaleureuse. Quand je décline son invitation à boire ou manger, elle me répond avec humour et dans un français parfait : « Vous n’avez envie de rien ? Comment peut-on n’avoir envie de rien ? » Elle, c’est Olga Kurylenko, actrice encore peu connue mais appelée à devenir star internationale : James Bond girl (Quantum of Solace), elle sera dans le prochain Terrence Malick et tourne bientôt avec Tom Cruise. Entre ces projets pailletés, on la verra cette semaine à l’affiche de La Terre outragée de Michale Boganim, fiction personnelle et délicate sur la catastrophe de Tchernobyl.
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Née en 1979 sur la rive ukrainienne de la mer Noire, Olga Kurylenko n’était pas destinée à la yellow brick road hollywoodienne. Enfance de vaches maigres. Elevée par sa mère et sa grand-mère, elle apprend la musique et la danse, comme beaucoup de jeunes filles slaves. A 13 ans, une agence de mannequins la repère à Moscou. A 16 ans, la voici à Paris où elle devient top model en vue, ornant les couves de Marie Claire, Elle, Vogue ou Glamour.
Elle passe des défilés à l’écran en 2005 avec L’Annulaire de Diane Bertrand. Depuis, elle alterne petites et grosses productions.
« J’aime bien vivre des expériences de tournage différentes, dit-elle. Sur les petits films, on est plus unis, on ressent un côté famille. »
Pour autant, elle s’est beaucoup amusée à faire un James Bond et apprécie les différents aspects du métier d’actrice : « Pour un Bond ou une superproduction comme celle que je vais tourner avec Tom Cruise, il faut se concentrer sur l’instant où l’on joue une scène d’action. Techniquement, c’est difficile à installer et à exécuter. Une scène d’action ratée, et le film est fichu. Il faut donc rester focalisé sur les gestes, les mouvements, le visuel. Alors que dans un film comme La Terre outragée il n’y a pas de voitures qui explosent. Un tel rôle est plus affaire d’immersion dans une réalité, de réflexion, d’intériorité. »
Dans ce beau film, elle tient le rôle d’Anya, jeune femme de la ville de Pripiat qui se marie avec un pompier une belle journée de printemps. En pleine fête, l’époux est appelé en mission d’urgence confidentielle : on vient de donner l’alerte à la centrale de Tchernobyl toute proche. Anya ne le reverra jamais. On la retrouve des années plus tard en guide touristique mélancolique de Tchernobyl, alors que Pripiat est devenue une ville fantôme. Un rôle spécial pour notre Ukrainienne expatriée : « Je trouvais ça drôle : c’était exotique pour moi alors qu’il s’agissait pourtant de mon pays ! Je l’ai redécouvert à travers des endroits que je ne connaissais pas, comme la ‘Zone’. Pour préparer ce rôle, j’ai regardé des documentaires, ça m’a permis d’approfondir ma connaissance de cet événement, de savoir ce qui s’était exactement passé, comment les gens avaient réagi. J’ai fait le Tchernobyl Tour pour voir comment ça se passe, avec les combinaisons, la durée de présence limitée… Moi qui ai quitté l’Ukraine, je voulais comprendre mon personnage. Pourquoi, après avoir vécu un tel drame, Anya demeure viscéralement enracinée à la région de Tchernobyl ? »
Loin d’être viscéralement enracinée en Ukraine, Olga vit aujourd’hui entre Londres et Los Angeles. Elle a réalisé le rêve de nombreux acteurs plus chevronnés en tournant dans le nouveau Terrence Malick (que l’on découvrira peut-être à Cannes), expérience qu’elle souhaiterait revivre à chaque nouveau film : « C’est difficile d’expliquer sa méthode de travail, très particulière. Il respecte la personnalité de l’acteur, ne va jamais rien mâcher à l’avance. Il ne dirige pas, en un sens, il est juste là pour vous inspirer puis pour vous regarder. La première fois que je l’ai rencontré, j’ai eu le sentiment qu’il voyait à l’intérieur de moi. Il semblait savoir des choses sur moi alors qu’il ne me connaissait pas. »
Outre Malick, elle cite parmi ses cinéastes favoris Pedro Almodóvar, Ingmar Bergman, David Lynch ou Michael Haneke. Des cinéastes qui ont tous intensément filmé les actrices.
« Comme spectatrice, les films qui m’ont le plus touchée sont des films intimistes. J’aime le cinéma qui sonde les êtres, les caractères humains. J’entends souvent des gens qui me disent que ce type de cinéma est chiant ! Moi, ça me passionne. »
« Ça vaut parfois le coup de souffrir pour l’art »
Celui qu’elle place tout en haut de son panthéon de spectatrice et de désir d’actrice, c’est Lars von Trier, pourtant réputé pas facile avec les femmes qu’il dirige. Doutes balayés par notre intrépide comédienne : « Le film qui m’a décidée à devenir actrice, c’est Breaking the Waves. On dit qu’il manipule ses actrices, mais ça vaut parfois le coup de souffrir pour l’art. Cela dit, je suis convaincue qu’on exagère sur lui, que ses actrices ne souffrent pas tant que ça. On raconte beaucoup de choses fausses dans les médias. On sait qu’il y a eu un problème entre lui et Björk, mais qui sait vraiment d’où il venait, de lui ou d’elle ? Je l’ai rencontré et il m’a paru être une personne très calme. »
Son prochain film est une grosse production de SF avec Tom Cruise. Même si Olga rêverait de ne tourner qu’avec Malick ou von Trier, elle accueille ce type de projet avec gourmandise, bien consciente que dans son métier on est choisi plus souvent qu’on ne choisit. On ne peut se quitter sans mentionner le prochain Euro de football, qui placera l’Ukraine au centre des regards.
« Je suis contente, ça va créer de l’activité économique, de l’excitation, les gens s’y préparent et ça se sent. En revanche, je ne me vois pas en icône représentative de cet événement. »
Nous non plus. C’est en jouant dans La Terre outragée et en le produisant qu’elle a rendu quelque chose à l’Ukraine, de la plus belle des manières.
Serge Kaganski
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