Fable surréaliste qui dézingue la réalité, « Ervart ou Les Derniers Jours de Frédéric Nietzsche » offre à Vincent Dedienne un rôle de funambule sur le fil d’une jalousie explosive.
Rentrer dans le délire paranoïaque d’un personnage dont l’unique ressort dramaturgique repose sur sa jalousie n’est pas chose aisée. Vincent Dedienne aura beau y mettre toute sa faconde, son agilité physique et ses mimiques irrésistibles, le rôle est retors. Aussi monotone qu’explosif. Aussi prévisible qu’incontrôlable. Une vraie bombe en puissance…
Alors oui, la métaphore choisie par l’auteur Hervé Blutsch dans Ervart ou Les Derniers Jours de Frédéric Nietzsche, qui brasse dans la même marmite la folie nietzschéenne, le terrorisme contemporain et le schéma boulevardier d’un homme persuadé que sa femme le trompe, est cohérente. Elle donne le tempo de la mise en scène survoltée de Laurent Fréchuret.
Le rire comme rempart contre l’absurde
Autour du point fixe élevé au rang de névrose aiguë qui dévore la raison d’Ervart, le mari jaloux, tout ce qui se trame sur la scène est pure élucubration. Et le restera jusqu’au bout. Le rêve d’une machine à jouer qui se rit de la logique pour croiser le fer avec un imaginaire borderline.
Un pot-pourri de personnages fantasques et de situations abracadabrantesques où se croisent par erreur les acteurs d’une autre pièce, la mise à feu et à sang d’un peuple soumis à la vindicte de son seigneur et maître, et l’impossible intervention des proches d’Ervart pour le ramener à la raison. De sa femme Philomène à son ami Alrik, ou du psychanalyste citationniste à l’actrice transformiste Anastasia Zilowski, aucun ne viendra à bout de cette démence née du néant pour semer le chaos. Seule consolation : le rire, comme rempart contre l’absurde.
Ervart ou Les Derniers Jours de Frédéric Nietzsche de Hervé Blutsch, mise en scène Laurent Fréchuret. Jusqu’au 10 février,Théâtre du Rond-Point, Paris VIIIe