Le calvaire d’une sans-papiers dans les bas-fonds de Moscou… et le nôtre par la même occasion.
Le terme de doloriste ne semble pas assez fort pour définir Ayka de Sergey Dvortsevoy. Qualifier le film de supplicié serait plus adéquat, le rapprocher d’un slasher horrifique – où le tueur psychopathe serait le réalisateur mettant lentement à mort l’héroïne de son film – ne serait pas incongru. Rejeton du cinéma des frères Dardenne débarrassé de tout espoir, le film suit le calvaire d’une jeune mère kirghize sans papiers dans les bas-fonds d’un Moscou fangeux et glacé. Solidement posé sur les rails du cinéma naturaliste, Ayka ne dévie jamais de son programme à base de plans-séquences et de cadrages irrespirablement serrés sur son actrice, qu’une caméra à l’épaule chevrotante ne quitte jamais.
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On a compris au bout de dix minutes que rien ne nous sera épargné de l’implacable adversité pesant sur l’héroïne élevée au rang de martyre ; ni l’exploitation inhumaine de patrons véreux, ni les écoulements de sang de ses parties intimes, ni le viol dont elle a été victime, ni le lait qu’elle doit évacuer de ses seins gonflés par la douleur de ne pouvoir nourrir un bébé abandonné dès les premières minutes, ni le symbolisme lourd à base d’animaux morts ou agonisants. On a bien envie de dire que Samal Yeslyamova, l’actrice principale du film, méritait le prix d’interprétation reçu à Cannes pour avoir enduré l’extase masochiste imposée par son réalisateur mais nous, quelle récompense aura-t-on si nous parvenons à tenir jusqu’à la fin du film ? Le plaisir malsain, déguisé en humanisme mal placé, d’avoir frayé, le temps d’une confortable projection cinématographique, la misère sociale la plus insoutenable.
Ayka de Sergey Dvortsevoy (Rus., All., Pol., Kaz., Chi., 2018, 1 h 50)
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