Dans son nouvel EP, le rappeur de Montreuil pose une question fondamentale : qu’est-ce que devenir un homme ? Premiers éléments de réponse ici. Rencontre.
La théorie et les faits sont parfois bien différents. En théorie, BO Y Z est le second EP solo de Prince Waly, échappé de Big Budha Cheez, duo qu’il forme avec Fiasko. Dans les faits, il peut finalement s’agir de son premier, tant le producteur Myth Syzer avait la mainmise sur Junior, sorti il y a presque deux ans, et faisant plutôt office de projet collaboratif.
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Question de point de vue, mais question fondamentale pour cerner le rappeur montreuillois, qui, à 27 ans, a l’occasion de franchir le cap qui lui est promis depuis plusieurs années. Il a pris le temps. « Quand j’ai sorti Junior, les choses sont allées bien plus vite que ce que je pensais. Myth Syzer était habitué à ça, mais pas moi. Les concerts, les tournées, les festivals… Je n’étais pas prêt. C’est peut-être un peu lâche de ma part, mais je me suis focalisé sur Big Budha Cheez. Ça me rassurait d’avoir des gens avec moi. Il est possible que ça n’ait pas été le bon choix, j’aurais pu enfoncer le clou en solo. Mais je n’ai pas eu le courage de le faire. Tant pis, on apprend. »
On apprend et on se remet en question. On change de direction musicale et on se nourrit d’influences nouvelles. Prince Waly a toujours eu l’image d’un artiste foncièrement axé sur la fiction, sur le story-telling, son rap transpirant le fantasme de l’image du gangster.
Alors certes, le premier single lançant le projet s’appelle Marsellus Wallace, en référence au boss du crime du film Pulp Fiction. Mais se plonger dans les neuf titre de BO Y Z, c’est gratter la peinture et découvrir Moussa derrière le blase princier : « J’ai eu besoin de montrer mon côté humain. Il y a encore un an, avant que je ne commence à travailler sur l’EP, j’avais mon duo, mes codes, mes habitudes. Il y a eu beaucoup de remises en question, beaucoup de doutes sur ma musique, sur mes capacités. J’étais à deux doigts de tout arrêter ». On dit que les rappeurs ont besoin de vivre pour écrire, pour créer. La preuve.
« Avec le temps, on se bonifie«
Comme ses confrères issus de la scène montreuilloise actuelle, Prince Waly hérite d’un attachement fort à sa ville. Il y a peu, il travaillait encore comme animateur dans une école maternelle proche de chez lui. Le rap fait moins vivre qu’on ne le croit. Désormais « focus à 100 % sur la musique« , il a pourtant décidé de ne pas laisser l’argot local imprégner ses textes, à la différence des Swift Guad, Ichon, CenZa et consorts. Le seul « narvalo » audible est répété en boucle sur YZ par Sanguee, rappeur de TripleGo. Waly a besoin d’être entendu partout, et pour cela, il faut se brider un peu sur le vocabulaire. « Avec Fiasko, on avait instauré un terme : le jour, c’est Montreuil, la nuit ça devient M-City. Ne serait-ce que pour aller à l’épicier acheter une boisson avec tes potes, tu vas trouver des images fortes, une inspiration. »
M-City est bien là, dans BO Y Z. En premier lieu sur la pochette réalisée par Fifou. Merco et do-rags noirs, les nineties qui hantent tant la vie et la musique du rappeur sont toujours assumées malgré le tournant musical. Les clips sont tournés en 35mm, les blousons en cuir qu’il arbore sans discontinuer sont présents, tout comme les chaussures d’époque, auxquelles il écrit une ode sobrement intitulé Ma Chaussure.
Il sait s’habiller, et s’entourer, quitte à mettre ses collaborations avec Fiasko et Myth Syzer en stand-by. Pourtant, il le répète : « Je serai Big Budha Cheez jusqu’à la mort« . Il travaille désormais avec une liste de producteurs étonnamment large pour un neuf titres, comme pour célébrer sa récente prise d’assurance : « Je savais que plusieurs beatmakers étaient très chauds pour bosser avec moi, mais je n’osais pas faire appel à eux. Je ne sais pas… Je n’avais pas assez confiance« . Les choses ont changé, Moussa ne se prive plus. D’ailleurs, il le répète dans deux morceaux différents de BO Y Z : « Avec le temps, on se bonifie« .
Reprise de contrôle
Il est difficile d’éviter de parler cinéma et séries avec le bonhomme. Le sujet a trop imprégné sa vie, puis, forcément, son rap : « Le dernier épisode de Black Mirror, Bandersnatch, m’a retourné. On dit que c’est le futur du cinéma, mais je suis certain que c’est un concept adaptable en musique. Tu fais des playlists différentes, et en fonction du morceau que tu écoutes, de ce que tu choisis d’entendre dans l’album, les titres qui suivent changent. J’adorerais mettre cela au point« . Il vénère une certaine idée du passé, mais sait aussi se projeter dans le futur et chroniquer son propre présent.
Sur YZ, il scande « la vie, c’est un film / On fait la BO en YZ« , façon de dire qu’il est maître de son destin : « Ça veut dire que je suis aux manettes de ma vie, que c’est moi qui ai le contrôle désormais. Les YZ sont des motocross qui vont souvent trop vite, difficiles à contrôler. Avant, je faisais du rap pour les grands, pour les rappeurs. Je voulais être validé, mais je me suis rendu compte que le soutien ne venait pas de ces gens là. Aujourd’hui, quand je donne un concert, le public est composé de personnes plus jeunes, ou qui ont mon âge. Des gens qui me ressemblent. Je suis de la génération Y, eux sont de la génération Z. D’où la séparation entre les lettres dans le titre de l’EP« .
Dernières paroles avant de laisser le prince se retirer dans ses quartiers et réfléchir à comment devenir un homme tout en restant fidèle à ses boyz.
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