La faible présence de « Mektoub, my love » et de « Plaire, aimer et courir vite », plusieurs absences inexplicables, une répartition inégale des nominations… La liste des nommé.e.s pour la 44e cérémonie des César a un goût très amer, par l’oubli inexplicable de tout un pan du cinéma d’auteur français de 2018. Accablant.
Quand on se retrouve face au dossier de presse de l’Académie des César répertoriant toutes les nominations de cette année, on est saisi par l’effroi. Cette édition 2019 des César, qui s’annonce galvanisante pour quelques uns, sera aussi aussi et surtout l’édition qui marque une fracture très marquée avec le cinéma d’auteur et l’audace dont il a fait preuve au cours de l’année 2018. Car si Le Grand Bain et Jusqu’à la Garde partent en pole avec 10 nominations chacun, suivis de très près par Les Frères Sisters de Jacques Audiard (…) et, on s’en réjouit, de En Liberté ! avec leurs 9 nominations, difficile pour nous d’ignorer la présence dérisoire de Plaire, aimer et courir vite, Mektoub, my love (une seule nomination seulement) et Amanda (deux nominations). Plus accablant encore, les absences totales de Mes Provinciales, Un couteau dans le coeur, Les Garçons sauvages mais aussi de Claire Denis pour High Life, Patricia Mazuy pour Paul Sanchez est revenu ! et Au Poste ! de Quentin Dupieux…
Un cinéma d’auteur injustement pénalisé
Si l’on se satisfait de la forte présence de En Liberté ! dans ces nominations, il est clair que l’Académie des César cherche à donner la voix à des films plus ancrés dans l’industrie, dont le fort succès public leur garantit d’office une place de choix dans ces nominations (Le Grand Bain, Les Frères Sisters, Pupille, Mademoiselle de Joncquières). Une considération pour cette sorte de « cinéma du milieu » qui pénalise quelques uns des plus beaux temps forts de l’année dernière et à fortiori toute l’audace, la marginalité, la liberté et les formes nouvelles du cinéma d’auteur français. Où sont passés les jeunes gens de Mes Provinciales ? Quid de la fabrication artisanale et très complexe de Bertrand Mandico pour Les Garçons sauvages, un premier long-métrage ?!
Pourquoi le nom de Mickaël Hers pour Amanda et de Christophe Honoré n’apparaissent pas dans les catégories meilleur film et meilleur réalisateur ? Autre absence très mystérieuse : Mektoub my Love, que l’on imaginait au minimum en meilleur film, meilleur montage et meilleure photographie. Seule Ophélie Bau est nommée dans la catégorie meilleure espoir féminin… Si l’on ajoute L’Île au Trésor de Guillaume Brac dans la catégorie du meilleur documentaire, c’est tout le pan le plus inventif du cinéma d’auteur français qui est porté disparu dans ces nominations. Cette année – et ça n’est pas toujours le cas – l’Académie se montre terriblement à la traîne de la richesse et de la liberté qui fondent tout un pan du cinéma hexagonal.
Le Grand Bain seul favori
Le manque de considération envers certains et l’absence notable d’autres ne sont pas les seuls manquement de l’Académie à l’annonce de ces nominations. On s’interroge aussi sur les 5 nominations des Chatouilles, sur les doubles présences de Jusqu’à la garde dans les catégories meilleur film/premier film, et celle d’Alex Lutz à la meilleure réalisation pour Guy (qui est davantage une performance d’acteur)… Sans parler de l’habituelle main basse sur les nominations opérée par Jacques Audiard (9 nominations pour Les Frères Sisters).
Au final, le grand et quasi unique favori pour le César du meilleur film est Le Grand bain. Dommage que cette année les votants aient un peu jeté les plus beaux bébés du cinéma français dans l’eau du Grand bain.