Un premier album en forme de voyage dans le temps pour Adrien Peskine, musicien joueur et peu réfractaire aux excentricités.
C’est souvent aux petits détails que l’on reconnaît les grands albums. Au sein d’A Little Story, on en dénombre au moins deux parmi une foultitude de propositions inédites, sensibles à la déraison, à l’expérimentation et au groove déviant : la bipolarité des titres (War, Peace), témoignant de la complexité du personnage de Gystère, mais aussi ces nappes de synthé en conclusion de Strange Breathin’, qui confirment parfaitement la sophistication et la densification de cette musique destinée à d’autres mondes, d’autres époques.
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Ce déluge instrumental ne dure que quelques secondes, mais c’est l’un des plus beaux moments de ce premier album, dont la gestation semble avoir été plus longue que prévu – rappelons que le diptyque WOMXN/Time Machine est sorti fin 2019, qu’un concert aux Transmusicales avait excité les foules et que l’on en connaît plus d’un·e qui ne se serait jamais remis·e de cette hype volatilisée.
L’œuvre d’un vrai styliste
Comment saisir alors le sens de cette œuvre ? D’évidence, elle est d’abord due à l’ingéniosité d’un vrai styliste, soucieux de la beauté de la mélodie, surtout quand elle se montre fâchée avec les compromis et les calibrages. La pop cosmique, le funk, le psyché ou le jazz trouvent ainsi une nouvelle grammaire au contact de Gystère, qui transforme chacune de ses compositions en un vaste refuge pour les flous artistiques.
Logique, pourrait-on dire, quand on sait qu’elles ont été pensées par un véritable touche-à-tout, multipliant les projets (soul avec Disco TV, rap avec Frer 200, électronique avec Mc Luvin), les profils (songwriter, DJ, réalisateur, etc.) et les expériences en tant que pianiste (auprès de Cerrone ou sur le plateau du Grand Journal).
Concrètement, ce n’est donc pas une petite histoire que raconte ici Adrien Peskine, mais bien celle, immense, du paysage musical des cinquante dernières années – et possiblement des cinquante suivantes –, embarquant son funk dans l’espace à bord d’un vaisseau DIY, semblable à celui qu’aurait pu fabriquer Michel Gondry s’il avait réalisé un clip pour Sun Ra. D’où ces tubes qui semblent surgir d’une autre galaxie et tentent de formuler une certaine idée de la pop music, intemporelle et riche en reliefs.
A Little Story (Sodasound/Kuroneko)
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