De « Sixième sens » à « Split », retour sur les plus belles scènes tournées par M. Night Shyamalan.
Alors que son dernier film, Glass, est dans les salles depuis ce mercredi, nous avons eu l’envie tout à fait soudaine de réunir, en toute subjectivité bien-sûr, et sans ordre particulier, les cinq plus belles issues de la filmographie de Shyamalan, l’un des derniers cinéastes romantiques d’Hollywood.
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1/ Une pluie de corps (la séquence d’ouverture de Phénomènes, 2008)
Un des films les plus mal-aimés de son auteur, Phénomènes est aussi étrangement l’œuvre de Shyamalan qui fournit les explorations visuelles les plus sidérantes de son cinéma. L’idée du film – un mystérieux phénomène entraine des vagues de suicides – semble déjà en soi une promesse si forte qu’elle engloutit la figure de Shyamalan dont la mise en scène prend corps dans une abstraction inouïe et inédite. Cet effacement des signes de son cinéma permet de mieux révéler le leitmotiv formel du film : saisir la dépossession soudaine d’un corps et de son piratage par un inconnu invisible (le phénomène n’est en effet figuré dans le film que par le souffle du vent). Comme un glitch contaminant un personnage de jeux-vidéo, le corps frappé par le phénomène s’immobilise quelques instants avant de reprendre vie dans son nouveau moi kamikaze. Ce qui est ici terrifiant, c’est la fulgurance et la sobriété avec laquelle le phénomène peut surgir et prendre possession des corps. Ce tableau d’un envahisseur omniprésent (puisqu’invisible à l’écran), est soudain doublé dans la scène d’ouverture du film d’un écho aussi morbide que saisissant: la première apparition du phénomène survenant par une pluie de corps qui tombe d’un gratte-ciel new-yorkais. Difficile ne pas voir dans cette séquence, le miroir de la fiction qui fait ressurgir les fantômes d’hommes et de femmes qui se jetaient des fenêtres du World Trade Center le 11 septembre 2001.
https://www.youtube.com/watch?v=cniymHIqfSA
2/ L’enlèvement (Split, 2016)
On a beau le décortiquer, le visionner en boucle, le kidnapping au début de Split reste un moment de cinéma inépuisable dans la filmographie de Shy. Si l’irruption du schizophrène Kevin provoque tant l’effroi, c’est peut-être parce qu’elle a quelque chose d’absurde, anormalement lente, presque douce, laissant son témoin, la jeune Casey, aphone, les yeux médusés. Ce regard stupéfait, c’est aussi le reflet de notre visage de spectateur, incapable de prononcer le moindre mot devant la maîtrise et la précision formelle de cette scène. Calme et méthodique à l’image de son bourreau, elle se déploie et métamorphose en quelques secondes l’intérieur d’une voiture en un gouffre sans issue.
https://www.youtube.com/watch?v=xsiC-i1jxSc
3/ La déclaration d’amour (Le Village, 2004)
Esthète surdoué, Shyamalan n’est pourtant pas qu’un cinéaste de la scène de bravoure, consciente au moment même où elle est réalisée qu’elle doit et qu’elle va subjuguer son spectateur. Son cinéma est aussi capable de pas de côté, beaux parce que simples, qui impriment l’extrême fragilité de ces personnages tout en s’effaçant derrière eux. La déclaration d’amour sous le porche entre Ivy (Bryce Dallas Howard) et Lucius (Joaquin Phoenix) dans Le Village en est une parfaite illustration. Filmée de dos comme pour ne pas interrompre leur étreinte, éclairée par le faisceau d’un clair de lune, cette scène toute droit sortie d’un rêve émeut par sa simplicité et son infime délicatesse.
https://www.youtube.com/watch?v=-Txry7KZuIc
4/ La révélation (Sixième sens, 1999)
Restons dans l’émotion et les larmes avec une scène déchirante de Sixième Sens, sûrement l’une des plus belles du film. Assis au côté de sa mère Lynn dans une voiture, le jeune Cole lui avoue enfin son secret : il voit des fantômes. Parmi eux, sa grand-mère vient lui rendre visite parfois. D’abord perplexe par les déclarations de son fils, le visage de Lynn se fige lorsque Cole lui parle d’un ballet de danse auquel elle avait participé étant jeune et auquel sa mère n’avait pas pu assister. En réalité, elle était bien présente, mais au fond de la salle pour rester discrète. Cole poursuit : quand Lynn a posé la question « Es-tu fière de moi ?« , sur la tombe de sa mère, cette dernière lui avait répondu oui. Il y a deux twists dans Sixième Sens. Si l’on retient souvent le plus impressionnant, celui qui clôt le récit et concerne le personnage joué par Bruce Willis, la scène de voiture dénoue la première révélation du film : les fantômes qui entourent Cole ne lui veulent pas de mal. Ils souhaitent uniquement communiquer avec lui afin de transmettre des messages aux vivants et pouvoir enfin trouver la paix. Shyamalan procède à un renversement du fantôme en tant qu’entité néfaste venant hanter le monde des vivants, en lui attribuant à la place une pensée sensible et bienveillante. Cette scène de la voiture est finalement autant une révélation pour les personnages, qu’une révélation pour le film lui-même qui abandonne soudain l’horreur pour se laisser happer par les nappes réconfortantes du fantastique.
5/ La partie de cache-cache (The Visit, 2015)
The Visit occupe injustement une place assez discrète dans la filmographie de Shyamalan, alors que le film a pourtant un rôle déterminant dans la carrière du cinéaste. Après avoir essuyé plusieurs naufrages critiques et financiers à Hollywood (Le dernier maître de l’air, After Earth), Shyamalan délaisse les gros studios et se penche à la réalisation d’un film indé à tout petit budget. Doté d’une liberté artistique absolue, Shyamalan recentre ses thèmes de prédilection au sein d’une petite maison et les déploie avec une virtuosité qui semblait évaporée depuis quelques films. Collision improbable entre un conte des frères Grimm et Paranormal Activity, The Visit marque la première insertion du found-footage chez Shyamalan qui fait de la caméra à la fois un objet filmant et un acteur filmé. Lors d’un cache-cache en sous-sol, Tyler et sa sœur Becca empoignent chacun une caméra et filment tantôt en face-caméra et tantôt en valeur subjective le déroulement du jeu. Shyamalan propose dans cette scène une version type de la scène horrifique à la Projet blair witch tout en la transgressant d’un découpage (champ/contrechamp) normalement interdit mais qui est ici permis par un aller-retour magique entre les images de Becca et de Tyler. Entre le jeu et la peur, le conte et l’horreur, le ludique et le théorique mais toujours intimement liés aux pouvoirs de l’image, c’est précisément là que se situe la singulière beauté du cinéma de Shyamalan.
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