Après deux albums en solitaire, la tête pensante de Dirty Projectors, Dave Longstreth, lâche prise sur une série de maxis hétéroclites et décomplexés, façonnés à plusieurs mains.
C’est une évidence devenue réalité. Confinement rime avec isolement, et Dave Longstreth s’est empressé de le rappeler pour la bonne cause. Le 19 mars dernier, alors que la Californie est sur le point d’être confinée, le cerveau de Dirty Projectors, installé à Los Angeles, reprend Isolation de John Lennon. Le morceau est proposé en ligne sur Bandcamp. L’intégralité des recettes vise à soutenir les musicien·nes sévèrement touché·es par les conséquences de la crise sanitaire.
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Replié dans son studio de Downtown L.A., l’Américain peaufine en parallèle une série de maxis distincts, échafaudés autour des différentes voix qui l’accompagnent sur scène depuis la sortie de Lamp Lit Prose (2018). Publiés au compte-gouttes ces derniers mois, puis réunis sur l’anthologie 5EPs, ces cinq formats courts offrent à leur instigateur autant de combinaisons possibles pour légitimer et appréhender une nouvelle configuration de Dirty Projectors.
Entre protest songs, r’n’b futuriste, bossa et avant-garde musicale
“Mes chansons ont toujours été emplies de chœurs, d’harmonies, de voix qui se croisent et s’associent, observe Longstreth au téléphone. Sur scène, je chante avec le backing band mais nos voix sont si différentes. J’ai donc pensé que ce serait cool de créer quelque chose pour chacune d’entre elles, que chaque voix soit mise en valeur sur un ep dédié. Cette démarche nous a permis de mieux nous connaître et de valoriser le groupe tel qu’il est désormais.”
Seul aux commandes des deux derniers albums de Dirty Projectors, Dave Longstreth rejoue collectif. S’il continue d’assumer la composition et la production des morceaux, le songwriter habitué aux mélodies complexes et aux arrangements expérimentaux partage autant l’écriture des textes qu’il cède le micro à ses trois choristes. Maia Friedman s’empare d’un folk aux faux airs de protest songs sur l’ep Windows Open, Felicia Douglass survole le r’n’b futuriste de Flight Tower et la soprano Kristin Slipp sublime la pièce avant-gardiste Earth Crisis, construite autour de collages orchestraux passés en boucle.
Avec Super João, clin d’œil au maître de la bossa nova João Gilberto, Dave Longstreth s’accorde tout de même une pause acoustique en solo, avant d’inviter le groupe au complet sur Ring Road, communion finale qui trahit la décontraction générale de la série. “Ces ep renvoient à la formule d’Allen Ginsberg, ‘first thought, best thought’. Tout est un peu désorganisé, plus instinctif et moins sérieux. C’est la première fois que mon but n’est pas d’atteindre une certaine idée de la pop”, s’amuse l’Américain.
“En général, Dirty Projectors combine toutes les humeurs les plus variées en même temps. Tout est une question de mélange, de brassage. Mais j’aime aussi les mosaïques et je me plais à croire que chaque morceau de ces ep est un fragment qui permet de former un autre ensemble.” Quand il ne poursuit pas son idéal pop, Dave Longstreth continue d’explorer de nouvelles formes sonores tout en cherchant des moyens inédits de les associer. Il a beau reprendre les paroles prophétiques de Lennon (“We’re afraid to be alone/Everybody got to have a home/Isolation”), le trentenaire n’est désormais plus seul pour avancer.
5EPs (Domino/Sony Music)
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